Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Ce PLFSS est un texte extraordinaire à bien des égards : d'abord et surtout parce que nous n'avons jamais connu une crise sanitaire d'une telle envergure ; ensuite parce que les conséquences de cette crise pèseront durablement sur nos comptes sociaux – comme ce texte en témoigne lui-même – ; enfin, parce qu'après un quasi retour à l'équilibre en 2017, le déficit des comptes de la sécurité sociale atteindra 49 milliards d'euros en 2020 et 36 milliards en 2021. Pareille dégradation risque de peser longtemps sur la situation financière de notre système de santé, sur la qualité des soins fournis aux Français et sur les conditions de travail de nos soignants.

Dans ce PLFSS, le Gouvernement fait le choix de faire supporter à la sécurité sociale le coût de la crise sanitaire, assumant d'utiliser les comptes sociaux pour financer les mesures de relance économique. Or les milliards d'euros dédiés à la relance sont autant de cotisations sociales qui ne pourront pas servir à la protection sociale de nos concitoyens. Une nouvelle fois, le Gouvernement refuse de compenser à la sécurité sociale les exonérations de cotisations consenties par l'État, comme il l'avait déjà fait en 2018 et 2019. C'est ce qui l'avait conduit à faire financer par les comptes sociaux les mesures prises à la suite du mouvement des gilets jaunes. Cette même logique devrait aujourd'hui conduire, avec une sécurité sociale durablement endettée, à compenser à l'euro près chaque exonération de cotisations consentie par l'État.

S'il est vrai que l'ONDAM figurant dans ce PLFSS est le plus important depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, il est important de rappeler que sa hausse est exclusivement destinée à la réponse à la crise sanitaire actuelle et aux accords du Ségur de la santé. Il s'agit de mesures conjoncturelles, qui s'imposaient. Dont acte. Mais ne nous dites pas qu'il s'agit de l'ONDAM le plus ambitieux de tous les temps, car cela n'est pas le cas ! Les hausses salariales que nous avons votées pour les personnels de santé constituent une avancée importante, car elles traduisent un rattrapage qui était nécessaire. Néanmoins, plusieurs professionnels ont été oubliés des accords du Ségur. Les salariés des MECS et des SSIAD méritent que leurs salaires soient revalorisés comme l'ont été ceux des salarié des EHPAD.

Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de ce PLFSS, la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à la prise en charge de la perte d'autonomie et de la dépendance. Cependant, aucun financement nouveau n'est prévu pour faire face à ce nouveau risque. Aussi cette cinquième branche est-elle une coquille vide, qui permet au Gouvernement de faire de la communication mais qui ne changera pas le quotidien des personnes âgées dépendantes ou des personnes en situation de handicap.

Ce texte contient par ailleurs des mesures qui nous inquiètent profondément : les mesures dites de régulation, autrement dit les coupes budgétaires, figurant à l'annexe 7. Il nous paraît scandaleux que le Gouvernement nous soumette un texte qui prive les hôpitaux de 805 millions d'euros en 2021, alors que nous traversons une période de pandémie mondiale particulièrement éprouvante pour nos hôpitaux.

Nous sommes également défavorables à la mise en place d'un forfait de 18 euros pour les passages aux urgences en pleine crise sanitaire. Dans de nombreux territoires, il n'y a plus de gardes de médecins la nuit et les urgences sont le seul moyen, pour de nombreux Français, d'être soignés par un médecin. La mise en place du forfait va conduire de nombreuses familles à renoncer aux soins.

Par ailleurs, ce texte nous semble bien pauvre dans le domaine de la santé mentale. Nous savons que les deux confinements ont eu des conséquences néfastes en matière de psychologie et de psychiatrie. Or le PLFSS ne prévoit aucune prise en charge renforcée en la matière.

En outre, nous considérons que ce texte est très incomplet concernant la stratégie vaccinale de notre pays. Certes, 1,5 milliard d'euros ont été budgétisés pour la vaccination, mais cette somme est largement insuffisante. La stratégie vaccinale décidée par le Gouvernement aura des conséquences directes sur le budget de la sécurité sociale.

Il nous paraît donc nécessaire qu'un PLFSS rectificatif soit présenté au printemps 2021 pour tenir compte de l'évolution de la crise sanitaire sur les comptes sociaux. En dépit de quelques mesures isolées que nous soutenons, comme le congé paternité, nous voterons contre ce PLFSS. En effet, il n'apporte pas de solution durable à la crise des hôpitaux, il s'avère très incomplet dans sa réponse à la crise sanitaire, oubliant des pans entiers de notre système de soins, et il risque d'accentuer les inégalités d'accès aux soins de nos concitoyens.

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