Or si les mesures conjoncturelles liées à la crise sanitaire et ses suites revêtent effectivement un caractère exceptionnel dans leur ampleur, tous les secteurs de la santé n'en bénéficieront pas à parts égales – je pense notamment à la médecine de ville ou à la filière du médicament.
Ce budget de la sécurité sociale laisse aussi planer beaucoup d'incertitudes pour 2021 et les années suivantes. La trajectoire budgétaire de l'assurance maladie a été totalement bouleversée, de sorte que pèse une très lourde hypothèque sur l'avenir du financement de notre système de santé. Le « quoi qu'il en coûte » est en effet un fusil à un seul coup, qui va assécher durablement les finances sociales et qui laisse présager pour les comptes sociaux comme pour la santé une disette budgétaire qui sera sans doute la marque des budgets futurs.
Pourquoi n'avoir pas profité de la large concertation du Ségur de la santé pour ouvrir le débat du financement durable de notre système de protection sociale alors même que la part de l'impôt dans son financement ne cesse de progresser, alors même que les recettes ne couvrent déjà plus les dépenses, alors même que l'on ne pourra laisser croître le déficit des comptes sociaux sans faire courir à l'ensemble du système de vrais risques pour les années à venir et alors même que vous êtes contraints de recourir, dans des proportions inégalées, aux financements privés pour faire fonctionner un système dont on voit bien qu'il est parvenu au maximum de ce qu'il peut produire ? De ce point de vue, votre PLFSS nous laisse le goût amer d'une occasion manquée.
Parmi les réformes que vous avez qualifiées d'« exceptionnelles », il y a la création d'une cinquième branche relative à l'autonomie et à la dépendance. Je n'en conteste pas le principe, mais je suis obligé de constater qu'alors même que les grands axes d'une politique ambitieuse en ce domaine sont renvoyés à un texte encore à construire, il ressort clairement de nos débats que le financement de cette nouvelle branche est devenu une équation comportant tant d'inconnues que la médaille Fields pourrait être promise à qui sera capable de la résoudre. Il s'agit là, à n'en pas douter, d'une autre occasion manquée.
Les sénateurs avaient voulu – avec, je l'admets, un brin d'esprit provocateur – remettre sur la table le devenir de notre système de retraite, au sujet duquel le Conseil d'orientation des retraites vient à nouveau tirer la sonnette d'alarme. Je me souviens des cris d'orfraie de votre majorité quand, pendant les débats, nous avons évoqué l'urgence qu'il y aurait à reprendre le cours de cette réforme. Je note avec satisfaction que le ministre Bruno Le Maire n'a pas dit autre chose ces derniers jours. Je crains que très rapidement, cela n'apparaisse aussi comme une occasion manquée.
Par ailleurs, je ne peux que souligner l'absence de réponses, pourtant peu coûteuses, aux justes questions posées par les répartiteurs pharmaceutiques, les sapeurs-pompiers professionnels ou les jeunes agriculteurs. À l'heure du « quoi qu'il en coûte », c'est un entêtement incompréhensible et une nouvelle occasion manquée.