Puisque l'heure est à la réaffirmation et au renforcement des principes républicains, il en est un qu'il convient de rappeler ici, celui du préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de 1958, qui proclame que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Les principes républicains sont naturellement des idéaux, et nous proclamons celui selon lequel nul n'est inemployable. Chaque personne a une contribution à apporter au développement de notre société, ce qui participe directement de la reconnaissance et de la réalisation de sa dignité.
Mais pour aller à l'idéal, il faut partir du réel, comme le disait si justement Jaurès dans son discours à la jeunesse. Nous avons le devoir d'agir chaque jour pour faire entrer concrètement nos principes républicains dans la vie de chacune et de chacun, au premier rang desquels ces 5,7 millions de nos compatriotes aujourd'hui privés d'emploi.
En adoptant définitivement cette proposition de loi, nous allons notamment ouvrir une seconde phase de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Une expérimentation est toujours utile pour aller du réel à l'idéal, pour se donner le temps de tester, de calibrer des politiques publiques, de vérifier que les acteurs socio-économiques se mobilisent et agissent conformément aux objectifs. Mais la question pouvait légitimement se poser de savoir si cette deuxième phase d'expérimentation avant la pérennisation était nécessaire et absolument indispensable. Pour ce qui nous concerne, nous étions comme vous le savez favorables à une loi d'élargissement immédiat, en particulier dans le moment d'urgence sociale que nous traversons.
Nous aurions aimé que le Gouvernement prenne les mêmes précautions s'agissant d'autres réformes qu'il a engagées, telle que la suppression de l'ISF : cela vous aurait sans doute permis de vous raviser.
Agir concrètement pour réaliser cet idéal d'employabilité de toutes et de tous consiste aussi à s'assurer que les moyens seront au rendez-vous. Or l'examen par l'Assemblée de la mission budgétaire « Travail et emploi » pour 2021 a mis en évidence le recul du financement par l'État du dispositif des territoires « zéro chômeur de longue durée ». Le Gouvernement avait proposé de réduire de 20 % la contribution de l'État au fonds d'expérimentation, alors même qu'il convenait de l'augmenter au regard de l'élargissement de l'expérimentation prévue par la proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter. La majorité n'a finalement accepté que de maintenir ce financement à l'identique par rapport à l'année dernière ; c'est insuffisant. Cela revient en effet à transférer aux départements la charge de renforcer leur implication financière, notamment pour garantir la qualité de la gouvernance territoriale des projets, condition également nécessaire, vous en conviendrez, de la réussite de ces dispositifs.
Autre enjeu pour la bonne exécution de cette proposition de loi à laquelle nous sommes toutes et tous attachés : lors de ce même débat budgétaire, madame la rapporteure – vous étiez alors notre rapporteure spéciale – , vous avez justifié le maintien à l'identique de ce financement, par le fait qu'il faudrait du temps pour que la loi soit promulguée et les décrets adoptés. Vous vous êtes engagée, madame la ministre déléguée, à faire preuve de diligence en la matière. Or la crise que notre pays traverse rend nécessaire une telle réponse diligente aux territoires candidats. Nous vous demandons donc, madame la présidente de la commission des affaires sociales, de mettre en place sans attendre, comme l'alinéa 2 de l'article 145 de notre règlement vous en donne la faculté, une mission d'information ayant pour objet de suivre au plus près les conditions d'application de la présente proposition de loi.
En votant pour cette proposition de loi, nous ne faisons que la moitié du chemin législatif : tout reste à accomplir mais nous partageons tous, je crois, cette utopie concrète, cette idée que nous pourrions surmonter le chômage de masse. Celles et ceux qui ont visité les territoires « zéro chômeur de longue durée » ont pu en mesurer les conséquences concrètes : la dignité retrouvée, les sourires qui reviennent sur les visages, les corps qui se redressent, la fierté d'être dans le travail, par le travail. Parce que nous partageons cette ambition, nous soutiendrons naturellement cette proposition de loi.