Dans la période actuelle où les crises sanitaire, économique et sociale semblent se nourrir mutuellement, la priorité de la solidarité nationale doit cibler davantage la lutte contre la pauvreté et la précarité. Je pense évidemment aux plus jeunes, aux personnes dépourvues de qualification et aux personnes durablement éloignées de l'emploi : ces publics fragiles sont les premiers touchés et les crises en cours font déjà basculer un grand nombre de personnes dans la pauvreté. Depuis la première lecture de cette proposition de loi, la situation s'est considérablement dégradée dans le champ économique et social. Dès lors, nous avons bien conscience que le texte que nous voterons aujourd'hui sera bien peu de chose face à l'ampleur des dégâts.
Avant tout, je tiens à vous demander une nouvelle fois d'abandonner votre projet de réforme de l'assurance chômage, dont le Conseil d'État vient de censurer deux dispositions : la refonte du mode de calcul de l'indemnité et le bonus-malus, alors même que l'article 7 de cette proposition de loi en tire certaines conséquences. Nous vous en conjurons, madame la ministre déléguée : abandonnez cette réforme qui n'a désormais plus de sens.
Notre groupe salue la démarche qui consiste à développer et à soutenir les structures d'insertion par l'IAE, d'autant plus que ce secteur a été très durement affecté par la crise sanitaire : lors du premier confinement, une structure sur trois a fermé et les contrats de près d'un salarié en insertion sur cinq ont pris fin.
Nous avons cependant quelques réserves à l'égard de certaines dispositions dérogatoires ou transitoires. Je songe principalement à la création de contrats passerelles, adoptée à l'initiative du Gouvernement, ou encore au renouvellement du CDD des seniors, la solution du départ anticipé à la retraite nous paraissant plus adaptée. Je pense également à l'extinction de l'expérimentation relative au carnet de bord des demandeurs d'emploi qui renforce le contrôle des demandeurs, au lieu de miser sur un véritable accompagnement.
La poursuite et l'extension de l'expérimentation des territoires « zéro chômeur de longue durée » sont évidemment l'autre grande mesure du texte. Notre groupe s'est toujours déclaré favorable à cette démarche qui traduit l'importance que nous accordons aux questions de transition écologique, de solidarité et d'emploi, mais également à la capacité qu'ont les territoires d'y répondre. Nous sommes heureux de constater que la commission mixte paritaire a permis certaines avancées, et j'en remercie la rapporteure.
La fixation à cinquante du nombre d'habilitations de nouveaux territoires, le Gouvernement ayant la possibilité de déroger par décret au nombre maximal, une fois les 60 territoires atteint, est un petit pas : nous aurions préféré un déplafonnement du nombre des territoires et une habilitation au fil de l'eau, mais ce compromis nous paraît acceptable.
S'agissant de la participation des départements au financement, le texte final est plus clair mais je note que le budget 2021, plus précisément la mission « Travail et emploi », ne prévoit pas les crédits suffisants pour financer la participation de l'État : celle-ci s'établirait à 14 800 euros par emploi, contre 16 200 euros en 2020. Nous craignons que cela n'ait pour conséquence une plus grande contribution des départements, dont nous connaissons tous la situation financière.
Enfin nous continuons de regretter l'absence de dispositions permettant de soutenir financièrement l'ingénierie des comités locaux pour l'emploi, alors qu'ils sont la cheville ouvrière de l'expérimentation : ce sont ces comités qui affrontent la précarité la plus importante. Il est donc essentiel de les doter de moyens humains au travers d'une mobilisation des fonds d'expérimentation.
Malgré ces quelques réserves, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi pour ne pas faire obstacle à la deuxième phase de l'expérimentation des territoires « zéro chômeur de longue durée », qui est très attendue. Nous avons tous eu l'occasion de constater les retombées positives de ces projets fortement ancrés dans les territoires, dont ils sont issus. Plus que jamais nous avons besoin de telles initiatives qui ciblent les invisibles, les oubliés, ceux qui passent sous les radars de Pôle emploi et qui, bien souvent, ne bénéficient même plus des aides publiques. Nous devons redonner confiance et dignité à toutes ces personnes éloignées de l'emploi, qui se sentent abandonnées sur le bord de la route. Par cette proposition, nous leur disons qu'ils ne sont pas inemployables, mais qu'ils sont utiles. À mes yeux, cela suffit à justifier un élargissement plus important encore de cette expérimentation.