Intervention de Alain Bruneel

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 16h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel :

Après un passage riche en échanges en première lecture sur ces bancs, un débat constructif au Sénat, puis un accord trouvé en commission mixte paritaire, la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » nous est soumise une dernière fois. Comme mes collègues l'ont souligné lors de la première lecture du texte, la lutte contre la précarité et pour le retour à l'emploi constitue une priorité – plus que jamais dans la période que nous traversons, qui se révèle terrible pour nombre de nos concitoyens, qui perdent leur emploi, comme pour ceux qui ne parviennent pas à sortir la tête de l'eau. Le principe selon lequel personne n'est inemployable doit être appliqué : c'est une nécessité.

Dans un premier temps, il convient de revenir sur les éléments positifs du texte. L'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », votée à l'unanimité en 2016 et lancée l'année suivante dans dix territoires pilotes, fut un succès. Elle prouve que personne n'est éloigné définitivement de l'emploi si les pouvoirs publics déploient les moyens nécessaires et parviennent à mobiliser les acteurs. Nous nous réjouissons qu'à l'issue des débats, un élargissement du dispositif à cinquante nouveaux bassins d'emploi ait été approuvé.

Cependant, et bien que la ministre du travail se soit engagée à élargir le dispositif à d'autres territoires dans un avenir proche, nous aurions préféré que cette extension soit inscrite dans la loi. Aucun candidat ne doit être laissé au bord de la route, d'autant que plus de 120 d'entre eux se préparent à intégrer l'expérimentation : imaginez leur découragement à l'annonce d'un plafonnement du nombre de territoires concernés par la prochaine étape ! Nous maintenons donc qu'un critère de maturité des projets, plutôt qu'un nombre maximal, aurait dû être retenu dans le texte. De la même façon, la question du financement de l'expérimentation aurait dû être examinée plus attentivement, notamment le financement des postes d'encadrement et d'accompagnement des salariés. La proposition que nous avions faite en ce sens a malheureusement été rejetée.

S'agissant du reste du texte, nous sommes toujours résolument opposés aux dispositions qui détériorent le cadre législatif de différents types de contrats de travail. Le fameux contrat dit passerelle prévu à l'article 3 bis, qui permet supposément une transition progressive entre le contrat d'insertion et le CDI, n'a rien de sécurisant. Un point de vigilance tout particulier concerne l'emploi des seniors, qui sont concernés par la mesure et affaiblis par le climat social. La proposition de loi comporte de nombreuses dispositions de ce type, qui créent de nouvelles dérogations au droit commun, affichent des contours hasardeux et ne vont résolument pas dans le bon sens. J'ajouterai qu'elles n'ont pas vocation à être examinées dans la même proposition de loi que l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » : les deux questions, même si elles concernent toutes deux l'emploi, sont distinctes.

En première lecture, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait hésité entre un vote favorable et une abstention. La majorité de ses membres s'étaient abstenus. Un vote favorable avait néanmoins été choisi par certains de mes collègues pour marquer leur soutien fort au volet du texte relatif à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », car il s'agit d'une expérimentation essentielle, qui a déjà porté ses fruits dans certains territoires et a permis à certains de nos concitoyens, qui perdaient espoir, de renouer avec l'emploi. Il est donc essentiel que le dispositif soit maintenu.

Cependant, cette proposition de loi est devenue un wagon législatif, dans lequel ont été embarquées d'autres mesures, qui abîment quant à elles le droit du travail. Nous regrettons les dispositions instaurant un régime dérogatoire au droit commun qui figurent à l'article 3 bis du texte, par exemple, ou encore les mesures qui étaient prévues à l'article 9. Ce genre de dispositions ne fait que miner et isoler encore davantage les plus fragiles d'entre nous.

Comme vous, nous souhaitons progresser vers une généralisation du projet « territoires zéro chômeur de longue durée ». Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine rencontre le même problème qu'en première lecture : nous restons partagés quant au vote. La majorité de mes collègues ont choisi d'emprunter le chemin de l'abstention. Pour certains autres, le vote favorable reste toutefois d'actualité.

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