Je me réjouis que les territoires ultramarins, en particulier la Guyane, soient de nouveau à l'honneur dans cet hémicycle.
La proposition de loi que nous examinons ce soir porte sur un sujet circonscrit. Elle n'en est pas moins essentielle, d'une part parce que son adoption est une condition à la bonne tenue des prochaines élections des conseillers à l'assemblée de Guyane, prévues au mois de mars de l'année prochaine, d'autre part parce qu'elle s'inscrit dans une démarche pragmatique et tend à assurer une meilleure représentation de la population guyanaise, impératif démocratique auquel nous sommes tous attachés.
Depuis le 1er janvier 2016, vous le savez, la Guyane est une collectivité territoriale unique qui exerce les compétences attribuées à un département et à une région. Elle est dotée d'une assemblée unique chargée de régler, par ses délibérations, les affaires de la collectivité. Cette assemblée dispose de plusieurs compétences, parmi lesquelles figurent la promotion de la coopération régionale, le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi que la préservation de l'identité de la Guyane.
Les conseillers à l'assemblée de Guyane sont élus pour six ans au scrutin proportionnel de liste à deux tours. Pour assurer la stabilité de l'assemblée, la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou arrivée en tête au second tour se voit attribuer une prime majoritaire de onze sièges.
L'assemblée de Guyane est actuellement composée de cinquante et un conseillers, le nombre de sièges étant fixé en fonction de la population de la collectivité territoriale. Le code électoral précise que ce nombre doit être porté à cinquante-cinq si la population dépasse le seuil de 249 999 habitants, et à soixante et un si elle dépasse celui de 299 999 habitants. Or les estimations font état de plus de 290 000 habitants au 1er janvier 2020. Le premier seuil a donc été franchi, et le second pourrait l'être prochainement, compte tenu de la vitalité démographique du territoire.
Cette augmentation du nombre de conseillers, qui est automatique, n'est pas sans conséquence. En effet, la Guyane forme une circonscription unique divisée en huit sections électorales. Le code électoral répartit les cinquante et un sièges actuels de conseillers par section. Cette répartition doit désormais être révisée pour tenir compte du passage à cinquante-cinq conseillers.
Plutôt que de nous borner à effectuer un tel ajustement technique, je souhaite que nous allions plus loin en inscrivant dans la loi la règle de calcul permettant la répartition des sièges. Un arrêté du représentant de l'État en Guyane en fera l'application. La règle de calcul fixée dans la loi précisera que les sièges sont répartis entre sections proportionnellement à leur population, en suivant la règle de la plus forte moyenne. Il sera en outre prévu que chaque section dispose d'au moins trois sièges.
Je suggère également, par souci de cohérence, d'étendre cette évolution à la prime majoritaire. En l'état du droit, aucune évolution de la prime majoritaire n'est prévue pour accompagner l'augmentation du nombre de sièges de conseiller. Je propose de remplacer le terme « onze » inscrit dans le code électoral par une fraction constante, à savoir 20 % des sièges. Ainsi, le nombre de sièges octroyés au titre de la prime majoritaire passera automatiquement de onze à treize lorsque le nombre de conseillers atteindra soixante et un, à la suite du prochain franchissement de seuil de population. La répartition de ces onze puis treize sièges entre les sections suivra la règle de calcul que j'ai évoquée précédemment. Chaque section aura au moins un siège.
Cette évolution présente un double intérêt. D'une part, le législateur n'aura plus à intervenir à chaque franchissement de seuil démographique – en effet, l'adoption de deux lois successives pour un simple ajustement technique ne se justifie guère. D'autre part, le préfet pourra désormais actualiser la répartition par section à chaque renouvellement de l'assemblée – y compris lorsque aucun seuil de population n'a été franchi – , afin d'assurer une meilleure représentation de la population.
J'ai entendu les craintes exprimées par les uns ou les autres quant au fait d'attribuer au préfet la faculté d'ajuster tant la répartition des sièges de conseiller entre les sections que le nombre de conseillers à chaque franchissement de seuil démographique. Je rappelle toutefois qu'aucun pouvoir d'appréciation en opportunité ne sera accordé au préfet : celui-ci se cantonnera à des ajustements mécaniques en application d'une règle de calcul fixée dans la loi et au vu des chiffres publiés par l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques.
Par ailleurs, j'ai naturellement à coeur que le dispositif proposé soit respectueux du domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser, dans une décision du 6 octobre 1999, que relèvent du domaine de la loi « la délimitation des circonscriptions électorales » et « le nombre de sièges attribués à chacune d'elles ». En l'espèce, c'est bien la loi qui fixera les règles qui encadrent la répartition des sièges, et le préfet aura une compétence liée, puisqu'il se bornera à appliquer la règle de calcul.
Je me réjouis, mes chers collègues, du consensus qui s'est fait autour de cette proposition de loi. Je dois d'abord saluer le groupe La République en marche, qui a accepté de l'inscrire dans son ordre du jour réservé. La majorité a su écouter la voix de la Guyane à travers ma personne. Je tiens à remercier plus largement l'ensemble des groupes parlementaires qui ont voté la proposition de loi en commission. Je veux aussi mentionner les différents élus de Guyane qui ont été associés à sa rédaction : les élus locaux, bien sûr, mais aussi les parlementaires guyanais.
Je dois encore dire à l'Assemblée nationale tout le plaisir que j'ai eu à travailler de concert avec Mme Catherine Belrhiti, rapporteure du texte au Sénat. Comme l'adoption de la loi avant la fin de l'année est indispensable au bon déroulement de l'élection du printemps prochain, il est crucial que les deux assemblées partagent la même vision. Nous nous y sommes employés, et je crois que tel est bien le cas. Mme Belrhiti a d'ailleurs directement inspiré certains des amendements adoptés par la commission des lois de notre assemblée. Je la remercie de cette entente.
Mes derniers remerciements seront pour vous, monsieur le ministre des outre-mer. Le soutien du Gouvernement est crucial pour l'avenir de cette proposition de loi, comme il l'est pour le développement du territoire. Je sais que vous n'avez ménagé vos efforts ni pour l'un ni pour l'autre. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 3 novembre 2020. C'est un élément supplémentaire qui nous permet d'espérer une adoption du texte d'ici à la fin de l'année, puisque cela a autorisé le Sénat à l'inscrire à son ordre du jour dès le 14 décembre, soit dans moins de deux semaines. Je sais aussi que vous avez mis en alerte le préfet de Guyane pour qu'il prépare dès maintenant l'arrêté prévu par le texte. Nous pourrons donc travailler vite et bien.
Tel est donc, mes chers collègues, le sens de cette proposition de loi, qui se veut consensuelle. Elle l'a été en commission des lois, où elle a recueilli l'unanimité. J'espère qu'elle emportera pareillement l'adhésion de cet hémicycle.