Intervention de Emmanuelle Anthoine

Séance en hémicycle du lundi 7 décembre 2020 à 16h00
Restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Anthoine :

Il s'agit pourtant d'une pratique qui fait débat et qui présente de nombreuses limites. Rappelons-nous de la polémique légitimement apparue suite à l'annonce présidentielle malvenue du prêt de la tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni. Une telle opération aurait mis en danger la bonne conservation de cette oeuvre inestimable.

Au contraire d'être dévoyées dans une stratégie d'influence aux effets limités, les restitutions d'oeuvres doivent s'inscrire dans le cadre d'un dialogue et d'une coopération culturelle avec les autres pays. Il ne doit pas être ici question d'appropriation par un pays plutôt qu'un autre, mais de partage de nos expériences culturelles. Les musées français ont conservé les oeuvres, non dans une volonté d'appropriation nationale de trésors de l'humanité, mais avec une dimension universaliste qui consistait à préserver ce patrimoine mondial et à le transmettre aux générations qui viennent.

C'est en effet dans nos musées que peut s'opérer le dialogue entre les cultures, et il faut veiller à ne pas associer aux oeuvres qui s'y côtoient la marque d'une revendication avant tout nationaliste. C'est pour veiller à préserver cette vision française des biens culturels, laquelle leur attribue un statut supérieur et une protection particulière, que le Sénat a introduit un nouvel article dans le projet de loi.

Malheureusement supprimé en commission du fait de l'entêtement de la majorité, l'article 3 prévoyait pourtant la création d'un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. Ce conseil, de par ses compétences scientifiques pluridisciplinaires, constituait une proposition équilibrée qui n'aurait dû avoir aucune difficulté à être adoptée. Ce n'est qu'en disposant d'une telle institution que nous pourrions vraiment garantir, à l'avenir, la défense du principe d'inaliénabilité face aux multiples atteintes de l'exécutif.

En première lecture, notre groupe Les Républicains a soutenu le projet de loi et donc la restitution de ces biens culturels au Bénin et au Sénégal. Mais l'annonce du prêt, en vue très certainement de sa restitution, de la couronne du dais de la reine malgache, de surcroît en plein examen dudit projet de loi par le Sénat, a été une nouvelle preuve de mépris du travail parlementaire et un nouvel exemple du fait du prince ; elle est venue jeter malheureusement le trouble dans un débat pourtant apaisé. Suite à cet incident, il n'est plus possible de décorréler la restitution de ces biens culturels de la réaffirmation du principe d'inaliénabilité.

Dès lors, le groupe Les Républicains, dans sa grande majorité, s'abstiendra sur ce texte. Cette abstention est d'autant plus motivée par l'éventualité où l'article 3, introduit par le Sénat et qui constitue, je le redis, une mesure d'équilibre indispensable, ne serait pas rétabli au terme de cette séance. Et c'est parce qu'il nous semble impératif de le réintroduire que nous vous proposerons, chers collègues, l'adoption d'un amendement en ce sens.

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