Je crois que la trajectoire politique empruntée par ce projet de loi qui prévoit la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal a surpris plus d'un observateur, car ce qui, au départ, ne devait être qu'une discussion consensuelle autour d'un objectif communément partagé a soudain viré à l'affrontement sur les moyens d'y parvenir.
Plus qu'une question de forme, le désaccord intervenu en CMP au sujet de la création du conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens est révélateur des façons de concevoir la restitution de ces biens, pratique dont on sait qu'elle va prendre de plus en plus d'ampleur dans les années à venir. Ce développement est heureux et je souhaite rappeler ici que mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et moi-même considérons depuis de très longues années que la restitution des biens pillés dans les pays colonisés ou à l'occasion d'une guerre relève de la plus grande importance historique : en agissant de la sorte, notre pays contribue à la paix mémorielle et diplomatique, répare de terribles injustices ressenties à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières et offre une chance de renouveler le dialogue franco-africain, et plus largement avec l'ensemble des États issus de la décolonisation.
Il s'agit de construire un projet commun qui s'organiserait autour de la culture et de la reconstitution d'un patrimoine défait. Léopold Sédar Senghor disait très justement que « sans l'essor de l'esprit, nous ne sommes rien », et voyait dans un projet culturel commun « une quête [… ] qui honore l'humanité ». Aussi, le groupe de la gauche démocrate et républicaine ne peut que souscrire aux intentions de ce projet de loi, qui honorent l'humanité.
Cependant, le retour des biens ne doit pas s'opérer dans n'importe quelles conditions.
Tout d'abord, en vertu du caractère universel des oeuvres concernées, au sens où Aimé Césaire parlait d'« un universel riche de tout le particulier, de tous les particuliers », nous voulons que celles-ci soient bien conservées, dans des musées, en dehors du règne de l'argent, en dehors du marchandage. Il faut pour cela s'assurer d'une coopération en bonne et due forme avec les États qui prennent part à l'entreprise de restitution.
Ensuite, nous considérons que ce salutaire mouvement de retour de biens culturels doit s'accompagner d'une lutte de grande ampleur contre le trafic international d'oeuvres d'art. Faute de quoi, toutes les actions de notre pays, aussi vertueuses soient-elles, s'avéreront bien inutiles.
Enfin, et j'en viens ici au point sensible de la discussion, nous estimons que la restitution de biens culturels ne peut pas être soumise au seul fait du prince. C'est, hélas, ce qui se passe ici, ce projet de loi n'étant pas autre chose que l'habillage juridique des desiderata exprimés par le Président de la République à Ouagadougou en novembre 2017. Dommageable sur la forme, puisque le Parlement est, une fois de plus, relégué au rang de chambre d'enregistrement, …