Le Président de la République a annoncé voilà trois ans, lors de son discours à l'université de Ouagadougou, vouloir restituer de façon temporaire ou définitive les oeuvres d'art africain des collections publiques françaises aux pays dont sont issues ces oeuvres. La France détient près de 90 000 oeuvres d'art africain dans ses collections publiques, dont les deux tiers au sein du musée du quai Branly. Dès lors, il a été confié à deux chercheurs, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, le soin de réaliser un rapport sur la restitution du patrimoine africain.
Ce rapport est un véritable plaidoyer en faveur d'une restitution massive, au nom de la repentance politique, du patrimoine africain présent dans les collections publiques françaises. Il vise les oeuvres acquises en l'absence de consentement des populations locales, par la violence ou la ruse, ou dans des conditions iniques ; il recommande également la restitution des pièces saisies lors de conquêtes militaires ou collectées lors de missions scientifiques ou par des agents de l'administration coloniale, ainsi que le retour des oeuvres issues du trafic illégal après 1960.
La remise du rapport au Président de la République, le 23 novembre 2018, a été l'occasion pour ce dernier d'annoncer la restitution de vingt-six objets provenant du palais de Béhanzin et conservées actuellement au musée du quai Branly. Ce projet de loi concrétise cet engagement fort du Président de la République en prévoyant leur retour au Bénin, leur terre d'origine, ainsi que la restitution au Sénégal d'un sabre et de son fourreau qui auraient appartenu à El Hadj Omar Tall, chef toucouleur.
En effet, ces oeuvres ont surtout une forte portée symbolique. Apportées en France lors de l'expansion coloniale comme des objets de curiosité exotique, elles avaient d'abord, pour la plupart, une fonction spirituelle. Témoins d'un passé prospère, elles contribuent à donner un sentiment de fierté et de confiance en soi à des populations trop souvent dépouillées de leur histoire.
Que les choses soient claires : ce projet de loi ne met pas fin au caractère inaliénable de nos collections publiques. Il matérialise simplement le souhait commun d'apaiser des conflits de mémoire, un voeu que la France continue de formuler, comme lorsqu'elle a redonné, il y a peu, la couronne du dais de la reine malgache Ranavalona III à Madagascar, en attendant que soit votée la loi qui autorisera à déroger au caractère inaliénable et incessible des collections nationales.