Il y a presque un paradoxe à discuter de lutte contre le dopage alors que le monde sportif, tant amateur que professionnel, continue de subir les conséquences dévastatrices de l'épidémie de covid-19. La plupart des compétitions nationales ont été reportées, quand elles n'ont pas été annulées ; les grands rendez-vous se tiendront probablement en 2021. Quant aux clubs amateurs, qui font vivre nos territoires, ils sont en grave danger, en raison de l'hémorragie de licenciés pendant la longue période d'inactivité forcée. Certes, des dispositifs d'aide ont été mobilisés par l'État et les collectivités, mais je veux réitérer mes craintes quant à une baisse durable du nombre de licenciés et de clubs ainsi que de la pratique sportive.
Une autre menace pèse sur l'éthique et l'équité dans le sport : le développement de pratiques dopantes de plus en plus complexes. Celles-ci touchent au premier rang les grandes épreuves mondiales. À cet égard, la France doit faire preuve d'exemplarité, puisqu'elle accueillera la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques en 2024.
Comment ne pas se souvenir des Jeux olympiques d'hiver de 2018, marqués par l'affaire ayant abouti à la disqualification des sportifs russes ? Cet exemple de dopage d'État, révélé par l'AMA, montre l'ampleur de ces pratiques déloyales et les différentes formes que celles-ci peuvent prendre. En effet, le dopage n'est pas seulement l'affaire d'une personne, d'un athlète ; il peut être le fruit d'une institution étatique ou de réseaux spécialisés propres au sport de haut niveau.
C'est pourquoi la lutte antidopage doit être menée à l'échelle internationale. Elle doit aussi être adaptée constamment, car les techniques comme les produits évoluent rapidement – c'est une sorte de contre-la-montre perpétuel. Dans le cas des sportifs russes, ce sont les contrôles qui ont été manipulés et faussés. Nos mesures doivent donc prendre aussi cet aspect en considération.
Le Gouvernement nous demande de l'autoriser à prendre une ordonnance qui prévoira la séparation organique du laboratoire d'analyses antidopage et de l'AFLD, pour conformer notre organisation au nouveau standard de l'AMA. Elle prévoira en outre le recueil par l'AFLD d'informations utiles à son activité de contrôle et une coordination renforcée entre acteurs de la lutte antidopage.
Les intentions sont légitimes. Néanmoins, le groupe Libertés et territoires attend que vous exposiez clairement, madame la ministre déléguée, les mesures que le Gouvernement entend prendre en ce sens. En effet, il est à regretter que l'on procède par voie d'ordonnance, même s'il s'agit, nous le savons, d'une procédure habituelle, rendue plus nécessaire encore par la crise sanitaire.
Par ailleurs, l'AMA étant critiquée pour son manque d'efficacité et pour un défaut d'indépendance à l'égard du mouvement sportif et des gouvernements, nous aimerions entendre la position du Gouvernement à ce sujet. Si nous ne doutons pas du bien-fondé du rôle de l'AMA, ces éléments doivent nous conduire à nous interroger sur nos rapports avec elle.
Jugeant insuffisantes les décisions de l'AMA et du Comité international olympique – CIO – face à la Russie, le Sénat américain a adopté, lundi 16 novembre, le Rodchenkov Act, qui vise à permettre aux États-Unis de poursuivre toute personne impliquée dans un système international de dopage, quelle que soit sa nationalité. Madame la ministre déléguée, comment la France se positionne-t-elle dans ce bras de fer ? Il ne faudrait pas que de telles initiatives nuisent à la coopération internationale.
Les grands événements internationaux ne sont qu'une loupe grossissante de pratiques qui se développent bien en amont. Dès lors, le sport amateur ne doit pas être oublié, ce qui implique d'améliorer notre politique en matière d'éducation et de sensibilisation, dès le plus jeune âge, et de rappeler sans cesse que les effets du dopage ne sont pas seulement d'ordre éthique : ils représentent avant tout un danger pour la santé des athlètes.
Enfin, notre collègue Marie-George Buffet l'a indiqué très clairement en commission, il faudrait accorder des moyens humains et financiers supplémentaires à l'AFLD, qui se verra confier de nouvelles responsabilités dans le domaine de la prévention et de l'éducation. Nous l'avons relevé lors de l'examen du budget : la dotation de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2021 ne suffira pas.
Ces préoccupations étant rappelées, le groupe Libertés et territoires votera bien entendu le projet de loi.