Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Accord de coopération avec les États membres de l'union monétaire ouest-africaine — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Quant à l'absence de Français dans la gouvernance de la zone monétaire, la lecture attentive de l'article 4 de l'accord commande de la nuancer. En effet, il dispose qu'une personnalité indépendante et qualifiée sera nommée par le conseil des ministres de l'UMOA, en concertation avec la France, pour siéger au comité de politique monétaire de la BCEAO – je ne reprendrai pas ici l'interpellation de Mme Roselyne Bachelot cette semaine.

La France sort donc par la porte pour mieux revenir par la fenêtre. L'objectif de la France vis-à-vis de l'UMOA est clair : faire taire les critiques populaires sur le franc CFA par une réforme plus que minimaliste.

Le nom de la nouvelle monnaie est une tartufferie comme j'en ai rarement vu. Eco est le nom du projet de monnaie unique de la CEDEAO, communauté économique qui englobe tous les États de l'UMOA, ainsi que le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Nigeria et la Sierra Leone. La CEDEAO, ou ECOWAS en anglais, avait choisi le diminutif de son acronyme anglais pour nom de sa future monnaie. Nous avons affaire à une OPA hostile sur l'eco de la CEDEAO. L'objectif de la France vis-à-vis de la CEDEAO est clair : couper l'herbe sous le pied du projet monétaire de cette zone et imposer son eco comme un fait accompli, afin d'étendre l'influence de sa monnaie à tous les États membres de la CEDEAO. Le rapport de notre commission énonce clairement cet objectif, puisqu'on y lit à la page 22 : « Le fait que le changement de monnaie solde un héritage controversé est susceptible de générer une dynamique politique [… ]. Il peut permettre à d'autres pays, aujourd'hui extérieurs à l'UMOA, de rejoindre l'eco ».

Les pays concernés n'ont pas du tout apprécié cette visée de la France. Le Nigeria, poids lourd de la CEDEAO, a évoqué l'implosion de la zone si la réforme du franc CFA était mise en oeuvre. Plusieurs États ont officiellement condamné cette initiative. Vouloir imposer l'eco à l'ensemble de la CEDEAO est une stratégie très dangereuse. L'exécutif français prend le risque d'une crise diplomatique dans cette zone déjà en proie à de fortes tensions.

L'objectif absolu s'agissant de la CEDEAO devrait plutôt être le renforcement des États, de leurs services publics et de leur économie : ces politiques seules seraient susceptibles d'offrir aux populations des perspectives de vie et de travail sur place.

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