Nous sommes en effet réunis ce matin pour l'examen en lecture définitive du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. Alors que nous arrivons au terme du processus législatif de ce texte, je remercie à nouveau le rapporteur Yannick Kerlogot – formidable rapporteur – pour son implication, sa précision et son travail de qualité qui a d'ailleurs été salué sur tous les bancs de cette assemblée au cours des différentes lectures.
Ce texte marque l'aboutissement d'un long processus, lancé par le discours du Président de la République à Ouagadougou en novembre 2017. Il y exprimait sa volonté de réunir les conditions nécessaires à la restitution d'oeuvres relevant du patrimoine africain, dans le cadre du renouvellement et de l'approfondissement du partenariat entre la France et des pays du continent africain. Le projet de restitution de vingt-six oeuvres issues du trésor de Béhanzin à la République du Bénin ainsi que du sabre, accompagné de son fourreau, attribué à El Hadj Omar Tall à la République du Sénégal s'inscrit dans le cadre d'une politique de coopération culturelle déjà engagée avec ces deux pays. Il prend également place dans un contexte général de réflexion sur le rôle et les missions des musées en Europe et dans le monde. Il s'agit donc d'un texte d'importance qui incarne une nouvelle ambition dans nos relations culturelles avec le continent africain. Il tient compte du caractère exceptionnel des oeuvres et des objets que nous souhaitons restituer aux deux pays qui en ont fait la demande – je crois que vous les connaissez désormais tous avec précision.
Le droit français offre plusieurs voies permettant de procéder à des restitutions. Le Gouvernement a fait le choix de procéder par la voie législative, permettant au législateur d'en décider : c'est le Parlement qui, je l'espère, en votant ce texte dans quelques minutes, donnera son accord à la restitution de ses oeuvres.
Ce texte n'aura pas pour effet de créer une jurisprudence : contrairement à la décision d'un juge, il ne vaut que pour le cas spécifique des objets énumérés et n'institue aucun droit général à la restitution en fonction de critères abstraits définis a priori.
Il implique de déroger ponctuellement au principe d'inaliénabilité des collections publiques françaises, inscrit à l'article L. 451-5 du code du patrimoine, auquel nous sommes toutes et tous attachés, mais sans le remettre nullement en cause. Ce principe est de fait au coeur de la conception française du musée, qui charge nos institutions publiques de constituer des collections afin qu'elles soient étudiées, conservées et présentées au public.
Au-delà des modalités de leur encadrement législatif, je sais que ces restitutions sont au coeur de vifs débats, qu'elles nourrissent de nombreux questionnements éthiques, philosophiques et politiques. Accepter la restitution de ces oeuvres, ce n'est pas remettre en cause le rôle joué par les musées français qui en ont assuré la conservation, le musée du Quai Branly-Jacques-Chirac et le musée de l'Armée, tout au contraire. Ces deux établissements ont permis leur conservation mais aussi leur étude approfondie, sans laquelle nous ne pourrions prendre la pleine mesure de leur valeur historique, symbolique et esthétique. Ils en ont également assuré la présentation au public, en particulier dans leur pays d'origine, sous la forme de prêts. Nous devons leur en être reconnaissants.
Accepter ces restitutions, ce n'est pas davantage remettre en cause l'approche universaliste des musées, que la France défend et promeut depuis plus de 200 ans. La vocation première de la culture est d'exprimer, d'explorer ce que notre condition humaine a d'universel. Cette conviction est au fondement du ministère français de la culture. C'est pour cela que la France n'accepte de restituer des oeuvres à d'autres États que s'ils s'engagent à ce que celles-ci gardent leur vocation patrimoniale, c'est-à-dire continuent à être conservées et présentées au public dans des lieux consacrés à cette fonction.