Pardonnez-moi, j'ai un peu de mal à respirer : le covid-19 ne m'a pas rendu toutes mes facultés respiratoires. Depuis sa création en mai 2020, le groupe Agir ensemble, qui est le plus jeune de cet hémicycle, se veut un groupe constructif, faisant régulièrement des propositions innovantes et défendant une position à la fois loyale et exigeante vis-à-vis du Gouvernement. C'est pourquoi, s'agissant du plan du Gouvernement en faveur de la jeunesse, je serai, selon l'habitude de notre groupe, dans l'analyse exigeante et la proposition constructive.
Je commencerai donc par saluer la qualité du plan « 1 jeune 1 solution », qui place les actions en faveur de la jeunesse au coeur du plan de relance, avec un budget triplé de 6,7 milliards. Son objectif est précis : il s'agit d'apporter une solution professionnelle aux 750 000 jeunes arrivés sur le marché du travail en septembre dernier. J'en rappellerai les principales mesures : premièrement, pour faciliter l'entrée dans la vie professionnelle, la compensation de charges de 4 000 euros pour les entreprises recrutant un jeune de moins de 26 ans, l'aide à l'embauche de 5 000 à 8 000 euros pour un alternant, le renforcement du dispositif emplois francs et la montée en puissance du service civique avec 10 000 places supplémentaires ; deuxièmement, pour former tous les jeunes et les orienter vers des métiers d'avenir, la mobilisation du PIC – plan d'investissement dans les compétences – avec 100 000 nouvelles formations qualifiantes, la création de 26 000 places supplémentaires en CAP et en BTS et une action ciblée sur les décrocheurs et les jeunes issus de milieux modestes avec le renforcement des cordées de la réussite ; troisièmement, pour accompagner les jeunes les plus éloignés de l'emploi, l'objectif de construction de 300 000 parcours d'insertion sur mesure grâce aux dispositifs déjà éprouvés que sont le parcours emploi compétence et le contrat initiative emploi, mais aussi l'extension de la garantie jeunes avec 100 000 places supplémentaires.
J'aborde à présent la partie constructive de mon intervention. Et si vous le permettez, madame la ministre, je ne vais pas parler de mesures précises ni de techniques, mais de méthode politique. Crise sanitaire, crise climatique, crise économique, crise sociale, crise démocratique : cette pandémie n'est que la première des crises globales que nous allons affronter dans les décennies à venir et auxquelles notre société va devoir s'adapter. Notre responsabilité politique est d'équiper, pour ne pas dire d'armer les jeunes Français qui vont devoir entreprendre leur vie dans ce monde de tous les risques et ce faisant, le rebâtir.
Pour y parvenir, notre action en direction de la jeunesse devrait se donner trois objectifs, pour ne pas dire trois obsessions majeures, qui ont présidé aux réformes de la formation et des retraites : la simplification, l'individualisation et l'universalisation. Première obsession : faire simple. Le plan « 1 jeune 1 solution » vient aussi rappeler le nombre exponentiel de dispositifs et de mesures existantes. Cette complexité des aides est un fléau : non seulement elle grève l'efficacité et l'efficience de l'action publique, mais surtout elle accable les individus. C'est un paradoxe français : plus votre situation personnelle est difficile, plus l'administration vous accable de démarches, venant ajouter un fardeau supplémentaire. Alors, de grâce, madame la ministre, essayons de faire simple ! Nous serons ainsi plus efficaces et plus justes, pour éviter notamment le non-recours aux droits chez les jeunes.
La deuxième et la troisième obsession vont de pair : il s'agit d'individualiser et d'universaliser la réponse de l'État. Concernant l'individualisation, nous progressons. Ce plan donne clairement la priorité à des parcours individualisés pour accompagner chacun au mieux vers l'emploi et la formation. Mais individualiser, ce n'est pas seulement personnaliser chaque mesure ! C'est aussi avoir une approche centrée sur l'individu, une approche globale et unique pour chacun. Individualiser, c'est partir de la personne et construire avec elle son parcours, lequel n'inclut pas seulement l'emploi, mais aussi la santé, le logement, le transport, la citoyenneté et la lutte contre les discriminations.
Concernant l'universalisation, en revanche, nous en sommes encore très loin, même si je salue les annonces relatives à la garantie jeunes universelle. Je souscris aux propos de M. Stéphane Viry sur la garantie jeunes universelle et à ceux de M. Régis Juanico sur le revenu universel. Madame la ministre, je ne comprends toujours pas comment nous pouvons maintenir une inégalité de droits entre Français du fait de leur âge ; c'est tout simplement contraire à l'esprit de la République. Si nous voulons que le pays et les générations soient solidaires, les droits doivent être universels, sans distinction d'âge.
La bonne nouvelle, madame la ministre, c'est que le groupe Agir ensemble travaille à des solutions pour permettre que l'action en faveur de la jeunesse soit plus simple, plus individualisée et plus universelle. C'est pourquoi en novembre dernier, nous avons fait voter le lancement d'un débat sur le revenu universel, un socle citoyen qui est une version inédite et réaliste, sur le plan budgétaire, du revenu universel. Il permettrait le versement automatique, par le biais de l'impôt, d'un filet de sécurité à tous dès 18 ans. Ce versement unique permettrait d'offrir à la jeunesse une grande mesure d'émancipation de la pauvreté. Je vous remercie de contribuer à ce débat important, partagé par beaucoup d'entre nous.