Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la succession de projets de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire est inédite. Chacun en convient et chacun conviendra, par la même occasion, que ce que nous vivons depuis bientôt un an est également inédit. Les mesures de police sanitaire prises depuis plusieurs mois ont permis de limiter la propagation du virus. Elles ont permis d'éviter la saturation des services de réanimation, mais l'épidémie de covid-19 circule toujours activement en France ainsi qu'en Europe et dans une large partie du monde. La circulation de l'épidémie se maintient à un niveau élevé et tend à s'accélérer de nouveau ; nous sommes en quelque sorte sur un fil, avec une circulation du virus responsable d'environ 19 000 à 20 000 contaminations chaque jour, et une pression sanitaire qui ne décroît pas. Nous sommes extrêmement vigilants aux évolutions en cours et chacun doit rester mobilisé, notamment en raison du variant VOC 2020, qui vient d'Angleterre, et du variant 501. Ces deux variants circulent sur le territoire national, ainsi d'ailleurs que dans de nombreux pays dans le monde, et nous sommes engagés dans une véritable course contre la montre pour éviter leur diffusion.
Depuis le début de l'année 2020, l'épidémie a causé le décès de plus de 70 000 personnes dans notre pays. Qui aurait pu prévoir, il y a un an, que l'année 2020 serait celle que nous avons vécue ? C'était tout bonnement impensable. Mais nous avons fait face et nous devons encore tenir. En effet, la pression sur le système de santé demeure forte. On a constaté hier une augmentation du nombre d'hospitalisations et d'admissions en réanimation : 25 000 patients étaient hospitalisés, dont 2 800 en service de réanimation. Si la situation nationale semble demeurer sous contrôle à ce stade, ce que nous observons chez nos voisins, avec la détection des variants, démontre l'existence d'un risque accru de reprise épidémique en dépit des mesures prises pour limiter les importations de cas en provenance de l'étranger.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire national et, à la demande du Gouvernement, vous l'avez prorogé jusqu'au 16 février 2021. Cet état d'urgence sanitaire a permis au Gouvernement de prendre, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures nécessaires et proportionnées à la catastrophe sanitaire en limitant notamment les déplacements des personnes hors de leur domicile, les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ainsi que l'accès à certains établissements.
L'examen de la situation sanitaire actuelle et l'étude des prévisions pour le premier semestre montrent que cette prorogation est aujourd'hui indispensable et nécessite une nouvelle intervention du législateur ; c'est le sens de l'article 2, qui prévoit la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021.
Quant à l'article 1er– excusez-moi de ne pas présenter les articles dans l'ordre – , il vise également à reporter une date, en repoussant en l'occurrence au 31 décembre 2021 la date de caducité du régime d'état d'urgence sanitaire initialement fixée au 1er avril 2021 par l'article 7 de la loi du 23 mars 2020. Lors de l'examen du premier texte relatif à l'état d'urgence sanitaire, le Sénat avait considéré plus prudent de conférer un caractère temporaire à ces dispositions, compte tenu des conditions particulièrement rapides d'élaboration de ce cadre juridique ; cette clause de caducité proposée par le Sénat avait été entérinée par le Parlement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020. Le 31 décembre 2021, les dispositions du code de la santé publique régissant l'état d'urgence sanitaire disparaîtront de l'ordonnancement juridique ; cette clause de caducité, connue de tous, que j'ai eu l'occasion de mentionner à plusieurs reprises dans cet hémicycle, avait motivé le projet de loi présenté en décembre dernier visant à pérenniser dans le code de santé publique les outils qui peuvent être actionnés en cas de crise sanitaire. Ce texte, comme vous le savez, a finalement été retiré de l'ordre du jour et sera examiné au Parlement une fois la crise derrière nous.
Nous avons néanmoins besoin de maintenir dans le code les dispositions actionnables pour lutter contre la crise ; c'est le sens de l'article 1er. Il n'est pas possible de se priver d'ici la fin de l'année d'un cadre juridique dédié à la gestion des phases les plus critiques de la crise sanitaire. J'entends les critiques sur le délai de douze mois proposé par le Gouvernement, mais celui-ci est cohérent avec le souhait de légiférer à froid, une fois la crise passée. Sur le sujet des délais, je comprends que le Parlement souhaite des clauses de revoyure plus fréquentes ; c'est ce qui a conduit, lors de l'examen en commission, à la suppression de l'article 3 qui prévoyait de proroger jusqu'au 30 septembre du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Je note que la pertinence de ce dispositif n'a pas été remise en cause. Ce régime, prévu en relais de l'état d'urgence sanitaire, a prouvé son utilité l'été dernier : il permet de maintenir des mesures de prévention adaptées au cas où la situation sanitaire s'améliore sensiblement tout en continuant de présenter des risques sanitaires importants. La commission des lois a estimé que la réactivation du régime de sortie devra être interrogée le moment venu, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu'elle exigera. Si les conditions l'exigent, le Gouvernement se présentera donc devant le Parlement avant la fin de l'état d'urgence sanitaire prévue le 1er juin, afin de déterminer le régime opportun pour gérer la situation après cette échéance.
L'article 4 prolonge jusqu'au 31 décembre 2021 la mise en oeuvre des systèmes d'information institués pour lutter contre la propagation de l'épidémie. Enfin, l'article 5 étend aux outre-mer les dispositions qui le nécessitent.
C'est un texte d'apparence technique, mais essentiel pour la protection de nos compatriotes, que je vous présente aujourd'hui, un texte de responsabilité. Je comprends la lassitude et le souhait de sortir de la crise mais aujourd'hui, nous ne pouvons nous priver d'aucun outil pour combattre le virus. Si les jours meilleurs sont pour bientôt, nous devons pour quelque temps encore mener le gigantesque effort collectif entamé il y a presque un an.