Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

« Nous serons prêts pour la deuxième vague si elle arrive : tout a été mis en place. » Voilà ce que disait Emmanuel Macron lors de son allocution du 14 juillet dernier. La seconde vague épidémique que nous traversons était prévisible ; elle avait d'ailleurs été annoncée par le Conseil scientifique, nombre d'épidémiologistes, l'Organisation mondiale de la Santé et, semble-t-il, le président Macron. Pourtant, rien n'était prêt.

Et voilà qu'aujourd'hui le Gouvernement, dont le bilan est pour le moins contrasté, attend de la représentation nationale qu'elle prolonge de nouveau les pouvoirs exorbitants du droit commun dont il prétend avoir besoin pour faire face à la crise sanitaire, mais dont il fait un usage d'une inefficacité patente. La gestion des vaccins, après celle des tests et des masques, est une nouvelle illustration de l'incurie et de la confusion gouvernementales.

Au 18 janvier 2021, le taux de vaccination de la population était de 1,37 % en Allemagne, soit près du double de ce qu'il est en France. Notre voisin connaît certes un grand nombre de difficultés, comme beaucoup d'autres pays en Europe et dans le monde, mais la stratégie vaccinale y a néanmoins été bien mieux anticipée qu'ici : des millions de seringues ont été stockées, des centaines de centres de vaccination ouverts, 10 millions de doses ont été commandées et réparties dans soixante entrepôts sur tout le territoire.

De ce côté-ci du Rhin, le lancement de la campagne de vaccination a été un échec. À cette heure, de trop nombreuses questions sur la vaccination, mais également sur le couvre-feu ou sur un possible reconfinement restent sans réponse, en tout cas sans réponse convaincante quant à la capacité du Gouvernement d'organiser efficacement la réponse sanitaire, ce qui contribue d'ailleurs grandement à alimenter la défiance d'une partie de la population.

À cela s'ajoute la décision proprement incompréhensible du Gouvernement de poursuivre les politiques délétères qui nous ont amenés si près de la catastrophe au début de la crise. En effet, alors que l'OMS a appelé les États à renforcer leurs structures sanitaires, votre gouvernement fait le contraire : en pleine pandémie la casse sanitaire continue comme avant, avec vingt-huit lits supprimés à Besançon d'ici à 2024, quatre-vingt au Rouvray, soixante-quinze à Lyon, cent soixante-quatorze à Nancy… Le recours à des cabinets de conseil privés, ceux-là mêmes qui ont contribué au démantèlement des services publics et à leur privatisation, signe bien l'incapacité de ce pouvoir à trouver des réponses à la crise en dehors de la doxa néolibérale.

Par ailleurs, incapables au niveau sanitaire, vous avez choisi une réponse sécuritaire. L'exécutif s'est davantage distingué dans ce domaine que dans celui où on l'attendait, autrement dit dans la protection contre le virus : depuis mars 2020, plusieurs lois successives ont prorogé l'état d'urgence, instituant de fait un état d'urgence permanent. Toutes les décisions relatives à la crise sanitaire sont prises en conseil de défense, dans la plus grande opacité, le secret-défense qui couvre ces réunions empêchant les parlementaires de contrôler l'action du Gouvernement.

Les compétences attribuées à l'exécutif recouvrent l'ensemble des matières relevant de la compétence du Parlement aux termes de l'article 34 : exercice des libertés, enseignement, régime de la propriété, procédure pénale, droit électoral. Voilà donc le Parlement relégué au rang de chambre d'enregistrement des desiderata de l'exécutif. Vous me direz que ce n'est pas nouveau sous la Ve République et encore moins en Macronie, mais c'est particulièrement grave compte tenu de la manière dont vous gérez – si mal – la situation. Les instances de la démocratie sanitaire, comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, le Haut Conseil de la santé publique, les associations nationales d'usagers et d'usagères ont été systématiquement ignorées. Quant au comité de citoyens tirés au sort pour réfléchir à la stratégie vaccinale, il fait plus figure de mauvais gadget que d'autre chose…

Cette gestion autoritaire est dénoncée notamment par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Le 26 novembre dernier, elle a de nouveau alerté le Gouvernement sur la dérive que constitue le recours systématique à un régime d'exception. Elle regrette que si peu d'enseignements aient été tirés du premier confinement et que les moyens humains et matériels de l'hôpital public n'aient pas été renforcés à la hauteur des besoins.

Contrairement à ce que vous ne cessez de répéter, il y a des alternatives à la politique que vous menez. Notre groupe ne s'est pas contenté de s'opposer à la pagaille macroniste : il a proposé des stratégies alternatives au travers de propositions de loi, des mesures d'urgence, notamment en faveur des étudiants, des grands plans de déconfinement sanitaire et social, économique, écologique et des alternatives au confinement. D'autres l'ont fait également : tout cela a été rejeté.

Je terminerai en reprenant les mots de Yasmina Kettal, infirmière en Seine-Saint-Denis, invitée par Médiapart, le 31 décembre 2020 à présenter ses voeux aux citoyens en tant que présidente de la République d'un soir : « Nous sortons de cette période lassés et changés. Nous avons dû apprendre à vivre avec nos peurs et nos doutes, mais cette année, nous avons aussi montré que face au danger, la solidarité est vitale, que face à l'injustice et au mensonge, nous ne pouvons pas nous permettre de nous taire. »

Nous ne nous tairons pas ; nous continuerons à nous opposer à votre politique. Nous voterons donc contre ce texte.

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