Je sais bien que la Constitution est un peu complexe, mais elle a tout de même une qualité : celle d'exister. Or le pouvoir actuel s'est bâti sa propre Constitution : on n'a plus un gouvernement mais un conseil de défense et de sécurité nationale, responsable devant personne, les instances nouvellement créées ne sont plus indépendantes – le Conseil scientifique est l'autorité administrative indépendante ad hoc du Gouvernement – , contrairement à leurs homologues passés, le Parlement est à l'arrêt en raison de l'état d'urgence et il n'y a aucun compte rendu de ce qu'il se passe à l'intérieur de la tour opaque. Ce n'est pas ma vision de la démocratie.
Je sursaute, monsieur le ministre, quand vous nous dites que l'amendement de M. Houlié concernant la déontologie ajouterait de la complexité et qu'on risquerait de dissuader des experts de faire partie du Comité scientifique. Votre argumentation est pour le moins ambivalente… J'espère que vous ne voulez pas dire qu'à la vue de règles de déontologie plus strictes, certains experts s'exclameraient : « Non, finalement, je préfère ne pas en être. » En tout cas, votre réponse n'est pas du genre à rassurer les Français.
Enfin, ne faisons pas comme s'il n'y avait pas des polémiques. Une dizaine de députés et de sénateurs, dont moi-même, vous ont écrit un courrier à propos des accusations, diffusées par vidéo, de l'institut hospitalo-universitaire de Marseille, sur les liens très forts de certains médecins avec des laboratoires pharmaceutiques qui les placeraient ainsi sous influence, particulièrement le laboratoire Gilead, au sujet duquel quatre membres du Comité scientifique sont visés. Compte tenu du filtre que vous êtes censé avoir mis en place, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que ces conflits d'intérêts n'existent plus ? Et si c'est le cas, pourquoi ne demandez-vous pas l'arrêt de ce genre de polémique qui ne fait évidemment qu'envenimer le climat, encourageant ainsi les Français à douter de leurs institutions ? Et si vous n'avez pas effectué tous les contrôles nécessaires, pourquoi n'approuvez-vous pas cet amendement de M. Houlié qui permettrait une harmonisation en ce domaine ?
Depuis le départ, je suis très circonspect sur ce Comité scientifique, sorti un jour d'une allocution présidentielle et venant de nulle part. On ne crée pas les institutions en temps de crise : elles préexistent.