Quel intérêt, dans la période actuelle, de voter précipitamment une réforme dont visiblement personne ne maîtrise clairement les tenants et les aboutissants ?
Deuxième question, également sans réponse : pourquoi le vecteur législatif d'une telle réforme est-il une proposition de loi ? Si nous sommes très attachés aux initiatives parlementaires, nous connaissons les mécanismes utilisés. Nous savons parfaitement que, dans le cas présent, cette proposition émane de l'administration de Bercy. Nous nous étonnons donc qu'une telle réforme n'ait pas fait l'objet d'un projet de loi, qui aurait exigé un avis du Conseil d'État. Cet avis nous aurait éclairés bien davantage que votre exposé des motifs, qui se limite à quelques principes vagues et à de simples déclarations d'intention. La représentation nationale est donc amenée à voter sur une réforme particulièrement technique et complexe, qui ne semble présenter aucune urgence, sans qu'aucune information fiable ni aucun élément étayé ne nous ait été produit sur l'impact et les conséquences potentielles de cette réforme.
Comment, ensuite, ignorer les erreurs de forme sur ce texte ? Il est tout à fait surprenant que notre collègue rapporteure, dont la réforme était, je le rappelle, appuyée par l'administration, avec l'aval du Gouvernement, et approuvée par le groupe majoritaire, ait omis de gager l'article unique de la proposition de loi. C'est pourtant le b. a. -ba de la procédure parlementaire, surtout pour un texte relevant de la commission des finances. Cet oubli a fait tomber pas moins de quatre alinéas au titre de l'article 40. Cette négligence n'est pas fondamentale, mais elle ne fait que renforcer notre scepticisme global : je pense que vous pouvez le comprendre.
Sur le fond, beaucoup de questions demeurent sans réponse. Tout d'abord, les organisations professionnelles directement concernées par le texte se sont mobilisées et attendent des informations plus précises sur le calendrier de mise en application de la réforme. Le contexte de crise dans lequel nous évoluons menace en effet le modèle économique de nombreux intermédiaires, sachant que près de 70 % d'entre eux sont des indépendants qui exercent seuls.
Ensuite, la question du risque avéré de non-conformité avec le droit européen, soulevée par le président de la commission des finances, n'est pas anodine.
Enfin, cette réforme fait peser un risque de distorsion de concurrence. Le texte comporte en effet une clause d'exclusion des agents généraux et des intermédiaires en libre prestation de services. Cette situation entraînera une distorsion de concurrence dans l'exercice des pratiques commerciales entre les différents acteurs du courtage, ce que nous déplorons.
C'est pourquoi nous espérons que l'amendement de réécriture du président Woerth sera adopté, afin de rendre ce texte plus satisfaisant. Cet amendement propose un mode de régulation du secteur du courtage bien plus simple et bien plus économe.
Je l'avais indiqué en commission des finances, nous attendions des éclaircissements de la part de la majorité pour lever le flou sur certains aspects de la proposition de loi. Nous ne les avons pas obtenus, et ce texte reste peu convaincant, autant dans le fond que dans la forme. Par conséquent, les députés du groupe Les Républicains ne voteront pas en sa faveur.