La majorité a fait le choix d'une procédure accélérée pour la ratification de ces quatre ordonnances signées en juin pour faire face à la pandémie de la covid-19. Cela tombe bien : mon intervention sera volontairement brève.
En guise de préambule, je tiens à rappeler l'opposition du groupe La France insoumise à la loi d'urgence du 23 mars 2020 sur laquelle se fonde le présent projet de loi. En effet, mon groupe et moi-même avons de grandes réserves concernant la méthode. Alors que notre pays traverse une crise qui n'est plus seulement sanitaire, mais aussi sociale et économique, il conviendrait que celle-ci ne devienne pas également politique. Régime d'ordonnances et crise politique ne font guère bon ménage dans ce pays, quelles que soient les intentions, y compris les plus louables.
En période de crise, il paraît au contraire nécessaire de renforcer la relation de confiance entre représentants et représentés, d'autant plus que cette crise tend à s'inscrire dans le temps long et qu'urgence devient permanence. De manière générale, la concertation et le débat démocratique ne sont pas exclusifs d'une décision tout à la fois efficace et proportionnée.
Sur le fond, je m'attarderai sur deux ordonnances, à commencer par celle relative au fonds de solidarité. Il était bien sûr nécessaire d'en prolonger l'existence, nous en conviendrons tous, mais, comme nous l'avons mentionné à maintes reprises, nous en contestons le barème. Et puisque vous prétendez écouter le terrain, entendez que ce barème est peu adapté à la crise. Il tend à oublier les plus petites entreprises et les indépendants les plus précaires. Je reprends cet exemple : un indépendant enregistrant une baisse de 40 % de son chiffre d'affaires habituel de 1 200 euros ne percevrait donc que 720 euros de revenu d'activité, sans recevoir aucune indemnisation, car la baisse de son chiffre d'affaires n'atteint pas 50 %. En revanche, un même indépendant enregistrant une perte de 50 % sur son chiffre d'affaires habituel de 3 000 euros percevrait un revenu de 1 500 euros auquel s'ajouterait une indemnité. Vous constaterez donc qu'il existe bien deux poids et deux mesures. À cet égard, je rappelle que nous sommes favorables à un barème par tranches, qui aurait le mérite de mieux lisser l'effort national et d'accompagner plus équitablement les entreprises suivant leur situation.
Outre ce premier grief, depuis le 1er janvier, le fonds de solidarité n'est ouvert qu'aux secteurs et activités les plus en difficulté. Cette restriction du périmètre, certes compensée par une augmentation des aides dans certains secteurs, met en grave péril certains acteurs, qui ne se sentent donc pas aussi protégés que vous l'affirmez.
Enfin, s'agissant de l'ordonnance portant réorganisation du groupe BPIFrance, on peut certes se féliciter de la fusion de deux de ses entités qui la composaient – la société anonyme BPIFrance et sa filiale BPIFrance Financement – , en ce qu'elle va permettre de disposer de fonds plus importants pour assurer garanties et prêts. Cependant, nous déplorons qu'elle fasse entrer, même de façon minime, un groupe privé, en l'occurrence BPCE – Banque populaire-Caisse d'épargne – , qui était présent au capital de BPIFrance Financement. Un groupe privé participera donc à l'exercice des prérogatives de BPIFrance.
Voilà les différentes objections qui amèneront le groupe La France insoumise à s'abstenir.