Intervention de Joël Giraud

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, Rapporteur général :

Nous allons examiner en commission le premier texte financier de notre législature. Et celui-ci porte sur le dernier exercice de la précédente législature puisqu'il s'agit du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes 2016.

Avant d'examiner les articles qui le composent et l'unique amendement dont il fait l'objet, je ferai une brève présentation pour rappeler les enjeux que soulève ce texte et les principaux chiffres qu'il est bon, me semble-t-il, d'avoir en tête.

Vous avez raison, monsieur le président, de souhaiter que le Parlement porte davantage attention aux lois de règlement : le temps que l'on y consacre est généralement inversement proportionnel à la quantité d'informations disponibles à examiner...

Outre le projet de loi, plusieurs dizaines d'annexes nous sont fournies par le Gouvernement, conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : cinquante rapports annuels de performances portant sur les missions du budget général, les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers ; sept annexes développant l'examen des crédits et présentant l'exécution des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires ; le compte général de l'État, d'un volume de 290 pages, accompagné de son rapport de présentation, ainsi que le rapport sur le contrôle interne de gestion...

À cela, il faut ajouter les documents produits par la Cour des comptes : son rapport sur l'exécution du budget bien sûr, mais aussi les soixante-quatre notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les fameuses NEB.

Tout ceci représente plusieurs milliers de pages ; il est essentiel que, dans le cadre des activités de contrôle du Parlement, les rapporteurs spéciaux et la commission, dans son ensemble, se saisissent pleinement de ces informations précieuses pour améliorer l'efficience des politiques publiques.

La loi de règlement comprend sept articles qui seront mis aux voix les uns après les autres.

Il s'agit d'abord d'un article liminaire qui porte sur le déficit public, c'est-à-dire le solde en comptabilité nationale de l'ensemble des administrations publiques, lesquelles incluent l'État mais aussi les administrations de la sécurité sociale et des collectivités locales.

Viennent ensuite six autres articles qui portent sur le seul budget de l'État en comptabilité budgétaire, budget qui constitue l'objet essentiel de la loi de règlement. Celle-ci est à l'État ce que le compte administratif est aux collectivités territoriales.

L'article liminaire fait état d'un déficit public de 3,4 % du PIB pour 2016. C'est un taux encore élevé, mais deux fois moindre qu'en 2009, année qui a suivi les débuts de la crise financière. La baisse du déficit se poursuit mais à un rythme qui ralentit ces dernières années.

Le déficit structurel se situe actuellement à 1,6 % ou 1,7 % selon les hypothèses retenues par la France sous la précédente législature. La Commission européenne l'estime quant à elle à 2,5 %. L'objet de cette loi de règlement n'est pas de revenir sur les hypothèses précédemment fixées ; celles-ci seront rediscutées dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques qui sera examinée à la rentrée. J'émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements qui viseraient à réécrire l'article liminaire.

L'État porte l'essentiel du déficit public. Son déficit budgétaire est de 69,1 milliards d'euros. Ce résultat a pu être atteint grâce au solde exceptionnellement élevé des comptes spéciaux, qui se situe à 6,8 milliards d'euros.

Une loi de règlement est l'occasion de répondre à deux questions : premièrement, la situation s'améliore-t-elle d'exécution en exécution ? Deuxièmement, les objectifs fixés par le législateur dans la loi de finances initiale, voire dans la loi de finances rectificative, ont-ils été atteints ?

On peut répondre de façon positive à ces deux questions puisque le déficit budgétaire est en baisse et qu'il est moins élevé que ce qui avait été prévu en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative.

Depuis 2012, le déficit budgétaire de l'État a été réduit de 18 milliards d'euros. Il l'aurait été de 30 milliards d'euros sans les compensations supplémentaires versées à la sécurité sociale : l'État a dû prendre à sa charge 12 milliards supplémentaires d'allégements de cotisations sociales décidés en 2014 dans le cadre de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Pour 2016, les recettes nettes du budget général ont été de 300,3 milliards d'euros, dont 284,1 milliards d'euros de recettes fiscales nettes. Elles sont inférieures de 3,1 milliards, soit environ 1 %, à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Les dépenses nettes du budget général ont été de 376,2 milliards d'euros, soit 310,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes à l'Union européenne, de 19 milliards d'euros, et aux collectivités territoriales, de 46,5 milliards d'euros.

Les dépenses ont été tenues, puisqu'elles sont inférieures d'un milliard d'euros à la prévision. Mais ce résultat a été en grande partie atteint grâce aux moindres dépenses réalisées sur la charge de la dette – 3 milliards d'euros – et les prélèvements sur recettes – 2 milliards d'euros –, ainsi qu'à une augmentation des reports de crédits – 928 millions d'euros.

Les normes de dépenses de l'État ont également été respectées pour les mêmes raisons, avec une sous-exécution de 400 millions d'euros sur le périmètre de la norme en valeur et une sous-exécution de 3,6 milliards d'euros sur le périmètre plus large de la norme en volume. Cela représente une baisse de 0,93 % par rapport à ce qui avait été voté en loi de finances initiale, soit une différence très faible, à un moment où l'on discute de modifications de crédits en cours de gestion.

Hors prélèvements sur recettes, et en intégrant les fonds de concours, les dépenses se sont élevées à 314,4 milliards d'euros. Elles sont composées à près de 40 % de dépenses de personnel et à près de 27 % de dépenses d'intervention.

Les recettes sont inférieures aux prévisions, surtout en raison de l'impôt sur les sociétés (IS). Le bénéfice fiscal de l'année 2015, qui sert d'assiette pour l'IS payé en 2016 pour la majorité des entreprises, avait été surestimé par le précédent gouvernement.

Cette mauvaise nouvelle explique que l'évolution spontanée des impôts a été plus faible que prévu : 5,2 milliards d'euros au lieu de 8,7 milliards d'euros, soit 3,5 milliards d'euros de moins. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et la suppression de la contribution exceptionnelle sur l'IS et d'autres revenus ont également coûté plus cher que prévu : 1,6 milliard d'euros de plus, pour être exact.

Nous avons eu, en revanche, de bonnes nouvelles s'agissant du solde des comptes spéciaux puisque celui-ci est supérieur à ce qu'avait prévu la loi de finances initiale : avec une différence de 5,4 milliards d'euros, il atteint un niveau record de 6,8 milliards d'euros. Toutefois, ce solde ne sera pas récurrent, comme l'a souligné la Cour des comptes. Il comprend notamment 1,7 milliard d'euros de ventes de participations dans des sociétés d'aéroport et 2,4 milliards d'euros de remboursements versés à l'État par l'Agence française de développement (AFD), remboursements qui ont pour contrepartie une recapitalisation du même montant payé par le budget général de l'État.

La dette de l'État quant à elle poursuit sa progression en 2016, à un rythme toutefois ralenti par rapport aux exercices antérieurs. L'encours de la dette a augmenté de 45 milliards d'euros, soit un niveau faible par rapport au niveau d'endettement annuel moyen : 98 milliards d'euros de 2007 à 2011 et 62 milliards d'euros de 2012 à 2016.

Enfin, l'exercice 2016 est marqué par une rupture de tendance forte, avec une augmentation des effectifs de l'État par rapport à 2015, alors qu'ils avaient continuellement diminué depuis 2007.

Pour terminer, je rappelle l'existence de la comptabilité générale de l'État qui offre une présentation différente de celle que nous venons d'examiner. Elle est établie selon le principe des droits constatés comme pour une entreprise : elle est encore perfectible puisqu'elle fait l'objet de quatre réserves substantielles de la Cour des comptes, mais la situation s'est améliorée puisqu'en 2006, lorsqu'elle a été créée, les réserves étaient au nombre de treize.

Cette comptabilité générale est commentée dans mon rapport écrit qui sera publié en fin de semaine. Elle offre aussi beaucoup d'informations intéressantes sur la situation patrimoniale de l'État. Elle nous apprend, par exemple, que la situation nette de l'État est négative à hauteur de 1 200 milliards d'euros. Cela donne parfois le tournis...

Je termine sur ce constat pour rappeler l'impérieuse nécessité de réussir le rétablissement des comptes publics sous ce quinquennat.

En attendant, je vous invite à adopter le présent projet de loi de règlement sans modification. Ce n'est, après tout, qu'une « loi des comptes » : on peut changer l'avenir, difficilement le passé.

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