En commentant la page 13 du document, M. le rapporteur général se réjouit du freinage de la croissance de la dette. Il n'en est rien, mes chers collègues ! Entre 2015 et 2016, l'encours de la seule dette de l'État est passé de 1 576 milliards d'euros à 1 621 milliards d'euros, ce qui correspond à une hausse de 45 milliards d'euros. Comme vous avez tous du bon sens, vous vous demandez comment la dette peut n'augmenter que de 45 milliards d'euros alors que le déficit est de 70 milliards d'euros. En fait, c'est très simple : on a fait de la prime d'émission à tour de bras, en émettant à des taux pouvant atteindre 5 % alors que les taux à dix ou quinze ans allaient de 1 % à 1,25 %. En conséquence, le prix de remboursement n'est plus de 100 mais de 75 ou 80. On peut d'ailleurs aller à 10 % ou 15 % tant qu'on y est, et on va même faire baisser la dette ! Ce n'est absolument pas le cas.
Lors des débats parlementaires de la législature précédente, M. Eckert, alors secrétaire d'État au budget, avait donné des chiffres : les primes d'émission ont porté sur quelque 20 milliards d'euros en 2015 et en 2016, des montants inédits, incomparablement plus élevés que les 2 ou 3 milliards d'euros par an qui se pratiquaient classiquement. En ajoutant ces 40 milliards d'euros, on s'aperçoit que l'on n'a pas du tout freiné la dette... En fait, sur les cinq années de la dernière législature, on frise les 90 milliards d'euros – disons 80 ou 85 milliards d'euros pour tenir compte de quelques remboursements ! Vous voyez qu'il n'y a pas de freinage de la dette.
Pour avoir discuté longuement avec notre rapporteur général, je sais qu'il est très sensible à ces questions. On nous dit que cette pratique a toujours existé. Certes, mais pas à hauteur de 20 milliards par an ! Grosso modo, nous émettons entre 180 milliards et 190 milliards d'euros par an et nous remboursons à peu près 110 milliards. C'est énorme ! L'Agence France Trésor (AFT), que nous avons interrogée, nous répond qu'il y a une demande du marché... Ce n'est pas une réponse ! On peut parfaitement faire des emprunts classiques sans jouer à ce petit jeu des primes d'émission. Bien sûr qu'il existe une demande de marché et que nous pourrions encore augmenter les taux d'intérêt à 7 % ou 8 %, sachant que nous en avons trouvé à 5 % et 5,5 %.
Cette pratique s'apparente à de la dissimulation pure et simple du niveau de la dette de l'État. Les montants ont atteint environ 80 milliards d'euros en cinq ans et la tendance s'accentue au fil des ans, ce qui explique l'apparent ralentissement de la courbe. Il faudrait auditionner de nouveau les membres de l'AFT et les cuisiner un peu sur cette affaire. Dissimuler l'importance des charges financières n'est pas dans l'intérêt de l'État. On le paiera dans les années à venir par des charges financières plus élevées. L'opération est neutre d'un point de vue économique. Si je puis me permettre de vous faire une modeste suggestion, monsieur le rapporteur général, il faudrait modifier votre rapport sur ce point : ce freinage est un faux freinage !