Voilà pourquoi, lorsque l'on examine l'histoire et ses continuités, ce sont les ruptures qui ont du sens qu'il faut chercher. La question de la distinction entre les actes et les opinions ne date pas d'aujourd'hui. J'en ai trouvé la trace dans une intervention du chancelier protestant du roi de France, Michel de L'Hospital, qui comme vous le savez fut ensuite, en raison de sa foi, précipité de sa fenêtre après avoir reçu un coup d'arbalète et avoir été poignardé, pendant la nuit de la Saint-Barthélemy. Ce penseur protestant, serviteur loyal de la patrie, dit en 1562 : « Le roi ne veut point que vous entriez en dispute quelle opinion est la meilleure car il n'est pas question de constituenda religione mais de constituenda respublica ; même l'excommunié ne cesse d'être citoyen ». Cela signifie que ce qui relevait de l'opinion religieuse n'aurait su être transposé au bras séculier. Or, plutôt que de couper entre l'autorité et le bras séculier, vous allez faire l'inverse : après avoir demandé aux uns et autres – imams, particuliers, associations – de prêter des serments de toute sorte, vous allez vous trouver confrontés à tous ceux qui refusent de le faire. Au nom de quoi allez-vous les réprimer et les poursuivre ? C'est absurde ; cela ne marche pas comme ça ! Il faut continuer à sanctionner des actes, et non pas des intentions ni des opinions. Jamais une seule fois en France les sectes n'ont été poursuivies pour autre chose que pour les actes qu'elles commettaient.