Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 1er février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Voilà pourquoi l'horrible pratique consistant à vouloir imposer la façon dont la religion doit être pratiquée, en cachette ou en public, a abouti aux mauvais traitements contre les juifs, que j'ai évoqués tout à l'heure, mais aussi contre les protestants.

C'est le moment d'évoquer aussi la mémoire des miens, si j'ose dire, et de quelques autres ici sur tous les bancs : les incroyants, Vanini, Giordano Bruno, le chevalier de La Barre, le ridicule des livres brûlés de d'Holbach, l'abomination du martyre des femmes insoumises, traitées de sorcières et nombreuses à avoir été brûlées parce qu'elles ne correspondaient pas à l'idée que l'on se faisait de la femme. Je suis certain que vous serez d'accord avec moi sur tous ces points de l'histoire. Mais alors il faut en prolonger la leçon, en recueillir le suc pour savoir comment éviter les erreurs qui nous mettraient dans une situation pire que celle dont nous sommes partis. Seule la séparation permet l'unité et la liberté du peuple français. L'État n'est ni neutre, ni tolérant, ni égalitaire à l'égard des religions : il est indifférent, il ne s'en occupe pas ! La loi de 1905 affirme que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte. L'État est indifférent à la religion et cette indifférence n'est pas une cruauté mais au contraire le gage de la liberté.

Pour pouvoir atteindre ce stade il aura fallu, au fil de l'histoire, continuellement séparer tout ce qui dans les actes essentiels de l'existence des êtres humains pouvait les opposer les uns aux autres, jusqu'au couronnement qu'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, instituant une révolution qui n'a pas été menée pour un peuple, mais pour tous les êtres humains. C'est ainsi que la Révolution de 1789 a détaché l'état civil, le mariage civil et le droit au divorce de l'institution religieuse qui en faisait des sacrements irréversibles.

C'est ainsi – vous l'avez dit, monsieur le ministre – que c'est par l'école que tout a commencé, avec le rapport présenté à la tribune de l'Assemblée en 1793 par Robespierre, lisant le texte de Saint-Fargeau qui avait été assassiné par les royalistes. C'est, bien sûr, le 21 février 1795 qu'est institué le premier régime de séparation des Églises et de l'État. Il faut ensuite attendre la Commune de Paris, le 3 avril, pour que soit de nouveau prononcée une telle séparation. Quant à la IIIe République, elle fit un autre choix tactique que, pour ma part, j'approuve : elle eut raison, compte tenu des circonstances, de considérer que la République serait d'autant mieux acceptée qu'elle romprait avec une certaine forme de pratique exaltée qui lui avait nui – mais c'était inévitable – lors de sa naissance. Et c'est à peine dix ans après que la République a en effet été votée par le Parlement, sur un amendement et à une voix près, qu'a été présentée la loi de séparation des Églises et de l'État.

C'est de cet esprit qu'il faut continuer à s'inspirer en tout point et nous ferons la démonstration, article par article, que votre projet de loi est en réalité concordataire, en plus d'être liberticide.

1 commentaire :

Le 09/02/2021 à 11:05, Laïc1 a dit :

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" L'État est indifférent à la religion "

Très drôle, il est tout sauf indifférent, il fait même dire aux filles qui portent un voile ce qu'elles n'ont jamais dit...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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