Monsieur le ministre, en cette fin d'exécution budgétaire, les dépenses sont plus élevées qu'en loi de finances initiales (LFI). Vous évoquiez un effort de 850 millions d'euros, mais, par rapport à la LFI, c'est clair : il y a 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Et le déficit de l'État reste extrêmement important, malgré la bonne surprise du montant moindre que prévu du prélèvement sur recettes de l'Union européenne et environ 1,5 milliard d'euros de recettes fiscales supplémentaires – 1 milliard d'euros de TVA et environ 800 millions d'euros de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE). C'est réellement préoccupant. À un moment où la dépense devrait être tenue, elle reste manifestement très difficile à maîtriser.
Un mot, quand même, sur l'attitude du Gouvernement. Par l'article 24, vous divisez par deux les intérêts moratoires et les intérêts de retard. C'est ce qu'avaient proposé Gilles Carrez et d'autres membres de l'opposition, et qui avait été refusé – pas le siècle dernier, mais la semaine dernière ! S'il s'agit d'avoir une attitude constructive – je ne donne aucune connotation politique à ce terme –, cela doit fonctionner dans les deux sens. Membres de l'opposition, nous pouvons voter des dispositifs proposés par la majorité ; cela ne me pose aucune difficulté. Symétriquement, il devrait être possible au Gouvernement d'accepter des amendements qui ne sont manifestement pas contraires à son point de vue, puisque, dix jours plus tard, les dispositions qu'ils visaient à introduire sont l'objet d'un article du PLFR.
La France, nous pouvons nous en féliciter, bénéficie d'une période très favorable de croissance. On dit souvent : « Nous faisons ce que vous n'avez pas fait auparavant ». Je rappelle cependant que, pour notre part, nous avons connu, sous le Président Sarkozy, une récession de presque 3 %. Aujourd'hui, nous connaissons une croissance de 1,8 %. C'est légèrement en deçà de la moyenne européenne, mais la France retrouve des couleurs. Elle a mis du temps – c'est une forme d'héritage –, mais elle retrouve des couleurs. Cela se traduit dans les recettes fiscales comme dans les recettes de cotisations sociales. On le voit bien avec votre prévision d'une hausse d'environ 3,5 % de la masse salariale : les différences sont colossales entre une récession et 1,8 % de croissance. Ce sont 50 ou 60 milliards d'euros de recettes supplémentaires ! Évidemment, cela facilite les choses. Je le dis pour souligner que, selon le Haut Conseil, l'effort structurel prévu et consolidé dans ce texte n'est pas conforme aux règles européennes : il est inférieur à l'effort structurel de 0,5 point de PIB demandé. C'est très préoccupant. Dans une période où la croissance faciliterait la réforme, l'effort structurel n'est pas au rendez-vous. C'est un temps un peu perdu, alors que la croissance est un formidable facilitateur de réformes !
Je regrette la mise en place du prélèvement à la source, mais nous avons déjà eu ce débat. Il me semble effectivement nécessaire de supprimer l'année de décalage entre les revenus et l'impôt, mais on pouvait procéder autrement et ne pas mettre cela à la charge des entreprises en créant des tensions salariales inutiles.
Dernier point, les intérêts de la dette ne sont plus la cause de bonnes surprises. C'était toujours le cas ces dernières années. Aujourd'hui, cela ne l'est pas, probablement pour des raisons liées à l'inflation. À l'heure où le Haut Conseil des finances publiques considère que nous n'en sommes pas encore à la stabilisation de la dette française et qu'il faut aller plus loin, considérez-vous, monsieur le ministre, qu'il ne faut plus espérer de bonnes surprises en matière de dette ? En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le montant inscrit en loi de finances initiales était inférieur d'environ 4 milliards d'euros, mais l'écart s'explique sans doute par la surtaxe de l'impôt sur les sociétés. N'attendez-vous donc aucune bonne surprise du dernier acompte de l'impôt sur les sociétés ? L'économie est pourtant en bonne santé.
Dernier point, pourquoi modifiez-vous le niveau des déficits prévus pour 2018, passant de 2,6 % du PIB à 2,8 % ? Dans une période de croissance, si l'on en croit le consensus des économistes, nous devrions engranger des recettes supplémentaires. Or, selon le Haut Conseil, vous avez une vision plutôt prudente des recettes. La mauvaise nouvelle de la seconde part du remboursement de la taxe sur les dividendes devrait pouvoir être absorbée par des recettes supplémentaires, et des efforts supplémentaires en matière de dépenses.