Censé viser l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, il nous semble qu'il va surtout rendre la vie plus compliquée à un nombre considérable de parents, d'associations et de croyants de diverses religions, qui sont tous de bons républicains, qui respectent les règles et qui n'ont rien à voir avec le fanatisme initialement ciblé. Attention, madame et monsieur les ministres, aux dégâts collatéraux !
Ainsi, les articles du projet de loi peuvent être classés en trois grandes catégories. La première rassemble ceux qui vont en effet conforter les principes de la République et améliorer notre droit ; nous les soutenons. La seconde réunit les articles qui pourraient être acceptables, mais qui nous paraissent, malgré quelques améliorations en commission, soit inutiles, car déjà couverts par le droit existant, soit quasiment inapplicables. Enfin, la troisième catégorie recouvre les articles que nous trouvons dangereux car attentatoires aux libertés fondamentales, et qu'il faut tout bonnement supprimer.
Commençons par la première catégorie, avec les mesures relatives à la neutralité du service public, qui figurent notamment au chapitre Ier. Il est vrai qu'en la matière, nous inscrivons la jurisprudence du Conseil d'État dans la loi. Nous avons déposé, en commission, plusieurs amendements visant à parfaire les dispositifs proposés, à les préciser ou à en souligner les imperfections ; nous en soumettrons de nouveaux en séance, dans un esprit constructif.
Je pense tout d'abord à l'article 1er, qui vise à rendre plus effectif le principe de neutralité du service public, en élargissant les obligations de neutralité aux organismes privés effectuant une mission de service public. C'est une mesure de bon sens, dont il convient de préciser et de clarifier, dans la loi, le champ d'application et le dispositif de sanction applicable – car il revient au législateur de définir les dispositifs de sanction. Je pense ensuite à l'article 2, qui étend la procédure de référé accéléré aux actes des collectivités territoriales portant atteinte au principe de neutralité : nous proposons d'étendre cette procédure à deux autres types d'établissements publics, ceux d'enseignement et ceux de santé. Nous saluons également les mesures prises aux articles 3, 4 et 5 pour protéger les fonctionnaires.
J'en viens à la deuxième catégorie d'articles, dont nous partageons l'ambition mais qui nous paraissent souvent inutiles, soit parce qu'ils sont déjà couverts en grande partie par le droit existant, soit parce qu'ils sont difficilement applicables. Ils relèvent surtout de l'incantation et de l'affichage, et contribuent à une prolifération législative inutile qui risque, in fine, d'affaiblir la loi.
C'est le cas de plusieurs articles relatifs à la dignité humaine. Prenons l'article 13, qui traite de la protection des héritiers : il est incomplet, car il ne prévoit aucun dispositif concernant les conjoints, mais ne s'intéresse qu'aux enfants ; surtout, il est difficilement applicable et risque de susciter des contentieux internationaux sans fin – comme l'ont d'ailleurs souligné les représentants du notariat. Les articles visant à lutter contre la polygamie sont de même nature, en particulier l'article 15 : il prévoit le versement de pensions de réversion au premier conjoint survivant pour les épouses de polygames étrangers, mais précise dans le même temps que ces mesures devront être appliquées dans le respect des engagements internationaux de la France. Or la France a signé treize conventions bilatérales de sécurité sociale avec l'essentiel des pays pratiquant la polygamie, prévoyant le partage des pensions de réversion. L'article 15 est par conséquent inutile, sauf si le Gouvernement s'engage à dénoncer lesdites conventions. Lorsque je vous ai soumis cette question, madame la ministre déléguée, vous l'avez d'abord quelque peu esquivée, mais il semble que vous ayez ensuite pris l'engagement, en commission spéciale, de renégocier ces conventions. Dans quel délai cela interviendra-t-il ? J'espère que vous réitérerez cet engagement dans l'hémicycle, et surtout qu'il sera suivi d'effet dans des délais rapides.
Nous saluons certaines avancées du texte réalisées grâce au travail de la commission spéciale. Citons l'adoption d'un amendement que nous avons proposé – comme beaucoup de nos collègues – , visant à sanctionner, au-delà des médecins, les personnes qui forcent les jeunes filles à demander des pseudo-certificats de virginité. Notez d'ailleurs que certains praticiens délivrent ces certificats uniquement pour protéger les personnes, et non dans le but de contourner les recommandations de l'ordre des médecins.