Les principes républicains n'ont d'existence que s'ils sont incarnés, respectés et traduits dans le quotidien des femmes, des hommes et des jeunes de notre pays. Le séparatisme prospère sur les failles de la société et sur une démocratie affaiblie. Si nous n'y répondons pas, cette crise de la démocratie continuera de fracturer la nation un peu plus chaque jour, chacune et chacun se repliant sur la sphère privée, en ne cherchant plus à créer du commun.
L'intégrisme religieux et le fondamentalisme islamiste profitent de ce contexte et développent leur projet de théocratie, rejetant les droits conquis par les femmes et les hommes de notre pays, rejetant l'émancipation des esprits et des corps des femmes. Ils n'attendent qu'une chose : que nous les amalgamions avec nos compatriotes de confession musulmane, pour accroître le rejet et diviser la société. Les intégrismes se nourrissent de ce climat délétère et de la quête perpétuelle de boucs émissaires. Nous devons, en urgence, renouer avec un projet collectif ambitieux redonnant de l'espoir et l'envie de faire société. Cela passera par une plus grande égalité des droits dans l'ensemble du territoire, et par une fraternité retrouvée.
Aujourd'hui, la République peine à garantir le respect de ses principes. Si vous subissez des discriminations en raison de votre origine, de votre genre, de votre classe sociale ou de votre handicap, et que la République ne parvient pas à y mettre fin, comment percevoir la devise républicaine ? Si, dans votre ville, les services publics ferment les uns après les autres, du tribunal à la maternité, en passant par le trésor public, au nom de la réduction des dépenses ; si, enfant d'ouvrier, vos chances d'aller à l'université sont beaucoup plus faibles que celles d'un enfant de cadre ; si, en tant que jeune, l'État ne vous donne pas les moyens de votre autonomie financière, notamment pour étudier sereinement, où est, pour vous, l'incarnation de l'égalité ? Si, en tant que femme, vous êtes moins payée à travail égal, et cantonnée au temps partiel imposé, où sont les grands principes de la République ? Toutes ces atteintes à la dignité des personnes ont un point commun : elles résultent d'années de politiques publiques qui ne répondent plus aux besoins concrets des Françaises et des Français. Incarner la République, se préoccuper des plus fragiles, avoir l'humain pour seule boussole, voilà ce qui permettra de créer du commun, de sortir des crispations identitaires et, surtout, de faire taire toutes celles et tous ceux dont le projet, pour la France, est l'affrontement des uns contre les autres. C'est ce pour quoi nous devons agir en tant qu'élus de la République. Le projet de loi ne couvre malheureusement pas ce champ, alors que c'est par la République, présente partout, que nous lutterons efficacement contre les obscurantismes.
Pour autant, le texte ne doit pas être balayé d'un revers de main. Il cible le séparatisme religieux, nourri par des organisations extrémistes qui prospèrent souvent sur l'anomie sociale. Nous aurions tort de les sous-estimer : elles représentent un défi auquel il nous faut répondre sans détour, car elles portent en elles les plus grands dangers pour notre société et nos libertés. Cet extrémisme, outre qu'il nie nos principes fondamentaux et combat activement les lois de la République, enferme les individus et les instrumentalise au moyen d'une manipulation des esprits propre aux dérives sectaires. Il se fonde sur le « nous », ceux qui appartiennent à une religion, contre les « autres » qu'il faudrait soumettre. Aucune concession n'est acceptable : face à cette entreprise, notre volonté est totale. La philosophie de ma famille politique est l'émancipation des individus ; le fondamentalisme religieux en est l'ennemi.
La réponse à ce défi ne sera pas un État concordataire ; la loi de 1905 est suffisante, et d'une profonde modernité. Elle doit d'ailleurs s'appliquer partout dans le pays, et je crois, chers collègues, qu'il nous faudra, un jour, rouvrir le débat sur le concordat en Alsace-Moselle – rémunération des ministres du culte, enseignement religieux à l'école publique – …