En tant que militant autonomiste corse, dans un passé pas si lointain, j'ai été taxé de séparatiste car j'étais considéré comme étant forcément antirépublicain. Pourtant, à entendre le Gouvernement et la majorité, moi et mes semblables ne serions pas concernés par ce projet de loi ciblant expressément les séparatistes. Laissez-moi douter du fait que ce tour de passe-passe sémantique puisse nous préserver de certaines dispositions dangereuses contenues dans ce texte. Si le terme « séparatisme » ne figure plus dans son titre, son essence l'infuse tout entier. Dans l'exposé des motifs, « tous les séparatismes » sont ciblés, pour justifier le renforcement de l'« arsenal juridique » de la République « contre ceux qui veulent la déstabiliser ». Voilà qui montre, selon nous, que la philosophie qui guide ce texte se situe dans la droite ligne d'une république peu sûre de ses fondamentaux qui se recroqueville sur elle-même.
Que lit-on encore ? « La République demande une adhésion de tous citoyens qui en composent le corps ». La question est de savoir pourquoi cette république – car il peut y en avoir d'autres formes, fédérale, parlementaire, écologique – ne recueille plus une adhésion aussi forte de ses citoyens, voire suscite une franche hostilité. Un début de réponse est peut-être à chercher un peu plus loin dans ce même exposé des motifs : « Au fil des ans, patiemment, la République a rassemblé tout un peuple, et parmi ce peuple, même ceux qui au départ lui étaient hostiles ». Quelle belle ellipse pour ne pas parler des autres peuples composant le peuple français ! Je paraphrase ici une formule issue de la loi Joxe, celle-là même qui fut censurée par le Conseil constitutionnel. Quelle belle ellipse surtout pour passer sous silence les violences, symboliques ou non, induites par l'assimilation forcée des peuples corse, breton, basque, alsacien, occitan, catalan, sans parler de ceux des outre-mer ou des colonies !