Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du mardi 2 février 2021 à 21h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Venons-en au fond. La crise est-elle finie ? Non. Le Gouvernement a-t-il encore besoin de moyens exceptionnels pour prendre parfois des mesures qui restreignent les libertés publiques ? Oui. Pourquoi devons-nous reprendre ce texte ? Ce n'est pas seulement parce que la crise sanitaire perdure, mais aussi parce que les mesures relatives à l'état d'urgence sanitaire que nous avons bricolées en mars 2020 n'ont jamais été inscrites dans le droit normal de la République. Nous en restons à ce régime bancal qui, manifestement, vous convient : il réduit les contrôles du Parlement à quasiment rien et il empêche que nous débattions régulièrement des dispositions nécessaires.

En agissant de la sorte, vous faites une erreur : nos débats ici, en commission spéciale ou lors d'une mission d'information sur le covid-19 sont très regardés par les Français qui aiment comprendre et s'informer. En décidant qu'il y aura un débat quand le Gouvernement le souhaitera, s'il y a un reconfinement et qu'ensuite, il n'y en aura plus jusqu'à la fin du confinement, vous diminuez la capacité d'acceptation des mesures par les Français.

Les propos des uns ou des autres peuvent ne pas plaire, mais c'est une erreur de refuser de débattre. La semaine dernière, lors d'une conférence avec le Premier ministre, on nous disait que les Français finiraient par ne pas accepter les décisions. Je ne partage pas ces craintes : les Français les accepteront si elles leur sont expliquées, si elles sont légitimes, claires et cohérentes. Ils l'ont fait à Noël et au jour de l'An : c'est grâce à leur sens des responsabilités que nous ne sommes pas encore confinés comme nos voisins.

Pour ma part, je souhaiterais que le Parlement soit vu comme un moyen de détendre le débat et d'informer les Français. Malheureusement, ce n'est pas possible. Vous venez de refuser qu'un débat ait lieu au Parlement au bout d'un mois de confinement. Vous rendez-vous compte de ce que cela veut dire ?

Si la mesure est nécessaire, le Gouvernement doit évidemment pouvoir la prendre. Il y a un an, notre assemblée a voté à l'unanimité pour cela. Mais nous devons pouvoir débatte en cas de reconfinement. Souvenez-vous qu'à l'époque, nous avions interdit tous les marchés alimentaires avant, finalement, d'autoriser leur réouverture. Lors du deuxième confinement, nous avons estimé qu'il n'y avait pas besoin de les fermer.

N'est-il pas nécessaire de discuter de ce genre de modalités dans cet hémicycle ? Allez-vous prétendre que ce n'est pas la peine, à votre retour dans vos circonscriptions ? Pour ma part, je ne le crois pas. Nous avons besoin de débats réguliers.

Jusqu'à présent, nous avons toujours voté pour les textes de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais celui-ci pêche sur deux points. Tout d'abord, nous ne pouvons pas continuer à adopter des lois d'exception pendant encore un an, un an et demi ou deux ans, et il faut trouver un équilibre stabilisé dans le droit commun. Ensuite, le Gouvernement doit d'autant plus accepter ce genre de débats, prévus à l'article 50-1 de la Constitution, qu'ils ne sont pas contraignants pour lui et qu'ils nous permettraient de savoir s'il n'y a pas d'erreur.

L'exécutif et la majorité, c'est formidable, ne serait-ce que parce qu'ils changent. Mais quels qu'ils soient – et j'en ai vu passer dans cet hémicycle – , ils ont deux vertus. La première, pour l'exécutif, est de savoir résister à son administration ; ce n'est pas facile et le Parlement peut l'aider dans cette tâche. La deuxième, pour la majorité, est de savoir se montrer souple quand la situation la met la difficulté. Quand elle se rigidifie, elle s'approche de sa fin.

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