Intervention de Dominique le Guludec

Réunion du jeudi 16 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Dominique le Guludec :

Comme vous l'avez indiqué, Madame la présidente, le Président de la République a souhaité proposer mon nom à la présidence du collège de la Haute autorité de santé à la suite de la nomination d'Agnès Buzyn comme ministre des solidarités et de la santé. C'est à la fois un honneur et un défi, étant donné les enjeux qui nous attendent.

Comme vous le savez, la Haute autorité de santé est avant tout un organisme scientifique indépendant, garant de la cohérence et de la qualité de notre système de santé afin qu'il assure à tous nos concitoyens un accès durable et équitable à des soins efficaces, sûrs et pertinents. Nous reviendrons sur ces missions et sur le contexte dans lequel elles auront à s'exercer, mais je voudrais dans un premier temps vous dire qui je suis et ce qui motive ma candidature, qui s'inscrit dans un parcours médical, scientifique et administratif qui, je l'espère, m'a préparée à assumer les responsabilités de cette fonction.

Je suis d'abord et avant tout médecin de terrain. J'ai une double spécialité : une spécialité clinique, la cardiologie, et une spécialité d'imagerie, la médecine nucléaire. Après un internat clinique, j'ai été chef de clinique en cardiologie et je me suis rapidement orientée vers un exercice public hospitalo-universitaire. Dans mon parcours, j'ai néanmoins testé l'exercice libéral en effectuant des remplacements en ville, ainsi que l'exercice associatif en donnant des consultations à l'Œuvre de secours aux enfants (OSE).

Très tôt, je me suis intéressée aux nouvelles modalités d'imagerie fonctionnelle et moléculaire, qui bouleversaient complètement notre vision de la maladie et qui offraient un champ de recherche et d'innovation considérable. La suite m'a confortée dans ces choix, étant donné la place actuelle de l'imagerie dans la prise en charge des patients.

Je suis professeur des universités, praticien hospitalier de biophysique et médecine nucléaire. J'ai pris successivement la responsabilité d'un service puis d'un pôle à l'hôpital Bichat, et monté une équipe de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Néanmoins, j'ai toujours gardé, jusqu'à aujourd'hui, une consultation de cardiologie, car le colloque singulier avec les patients m'est essentiel. J'ai ainsi pu prendre la mesure du désarroi des patients vis-à-vis de la contradiction entre les informations qu'ils lisent sur internet et les recommandations de leur médecin, ou à l'occasion du changement récent de la formule du Levothyrox, par exemple.

Diriger un service dans un hôpital universitaire, c'est faire un grand écart permanent entre un travail de tous les jours auprès des patients pour un accueil digne et une qualité de soins irréprochable et un travail de « chef d'entreprise » – avec tous les problèmes organisationnels et humains qui se posent dans une équipe paramédicale et médicale. C'est tout à la fois râler pour que le ménage soit fait correctement et les départs remplacés et être à la pointe des innovations et de la recherche. C'est être au plus près des problèmes du terrain, autant que dans les colloques et les publications. C'est cette obligation de pragmatisme qui fait que l'on ne décolle jamais des réalités.

Durant toute ma carrière, j'ai exercé dans des zones défavorisées du nord de Paris, où j'ai pu constater à la fois les bienfaits formidables du système de solidarité français mais aussi les disparités qui persistent face à la maladie : on est plus malade au nord qu'au centre de Paris, et on y accède plus tardivement aux soins.

Pendant tout mon parcours, je me suis aussi fortement impliquée dans la recherche médicale, avec la création d'une équipe de recherche INSERM en imagerie et d'une plateforme d'imagerie expérimentale, et en travaillant à la multidisciplinarité indispensable entre chercheurs, imageurs et cliniciens. Je suis responsable de programmes nationaux et européens de recherche dans des domaines à fortes valeur ajoutée et valeur d'innovation en imagerie, en biothérapies, en nanotechnologies.

Afin d'exercer au mieux mes fonctions de responsable lorsque j'ai été nommée chef de pôle, j'ai développé mes compétences managériales en retournant sur les bancs de la formation pour un master de management médical à l'ESSEC. Cependant, j'ai aussi appris sur le terrain à gérer la contradiction entre les moyens limités de nos hôpitaux et l'évolution galopante de la médecine, et à rechercher des moyens de financement originaux de l'innovation, par exemple en créant un groupement de coopération sanitaire public-privé pour financer un appareil innovant de tomographie par émission de positons à l'hôpital Beaujon.

J'ai très tôt assumé des responsabilités transversales, d'abord au sein de mon hôpital et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), par exemple au sein du comité d'évaluation des innovations technologiques, puis au sein de ma faculté où j'ai fait partie du conseil de gestion de l'UFR Paris-Diderot pendant deux mandats – j'étais d'ailleurs la seule femme du collège de rang A, même si la situation a récemment évolué – ainsi qu'au niveau national, dans des sociétés savantes, au conseil national des universités dont je suis membre et dans des agences d'expertise. Je préside une commission de qualification du conseil national de l'Ordre des médecins. Au niveau européen, enfin, je siège au conseil de l'Association européenne de médecine nucléaire.

Plus récemment, j'ai eu la chance de me voir confier deux missions qui m'ont beaucoup appris. En 2013, j'ai été nommée présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. L'IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et une agence scientifique d'expertise et de recherche sur les risques nucléaires, civils et militaires. Cette fonction m'a familiarisée avec la culture de la gestion des risques et la gestion de crise dans un domaine très sensible, la communication avec le grand public sur les débats sociétaux, l'intégration de la société civile aux différents stades de l'expertise et de la recherche, et le management d'une institution pluridisciplinaire. J'ai pu y développer une vision stratégique d'une institution publique, appréhender la gestion d'un conseil d'administration et de l'équilibre financier dans un contexte contraint. J'en anime le comité d'orientation des recherches et participe à celui d'éthique et de déontologie. J'y ai appris à mener l'orientation des choix d'une institution en lien avec le directeur général et à utiliser avec doigté la représentation symbolique d'une telle fonction. Je m'y suis aussi familiarisée avec le fonctionnement des agences et leurs relations avec la représentation nationale, avec les ministères de tutelle et les hautes autorités, en l'occurrence l'Autorité de sûreté nucléaire, tout en participant à sa dimension européenne et internationale, notamment à l'Agence internationale de l'énergie atomique.

En 2015, j'ai été élue présidente de la commission médicale d'établissement de mon groupe hospitalier, Hôpitaux universitaires Paris-Nord Val-de-Seine, qui est l'un des groupes hospitaliers de l'AP-HP. Je participe à sa gestion dans ses dimensions de projets, de ressources humaines, de gestion des conflits mais aussi de contraintes budgétaires, techniques, administratives. Ce groupe hospitalier comprend plus de 2 400 lits et près de 10 000 professionnels, des hôpitaux de médecine, chirurgie et obstétrique mais aussi un hôpital gériatrique et un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). J'y ai touché du doigt ce que représentent les restructurations hospitalières lors de la fermeture de l'hôpital Adélaïde-Hautval – fermeture nécessaire d'une structure qui n'était plus adaptée aux soins de notre époque, mais douloureuse pour tous les professionnels qui y travaillaient. J'ai également approché un autre aspect de la relation avec les patients dans le cadre des médiations, des plaintes – ou parfois les éloges – et du travail avec les associations de patients. Pendant mon mandat, j'ai participé à la certification du groupe, ce qui m'a permis de me faire une idée assez précise des vertus et des limites du processus actuel de la Haute autorité de santé.

Je vis surtout au plus près le dilemme face auquel se trouve notre système hospitalier, qui doit financer l'innovation rapide dans un contexte budgétaire très contraint, et qui atteint les limites de ce que les équipes peuvent produire. La nécessité de changements organisationnels à l'hôpital mais aussi en ville et entre ville et hôpital est évidente si nous voulons préserver la qualité de notre système de soins, et ces changements ne peuvent se faire qu'avec les équipes paramédicales et médicales, hospitalières comme libérales, car aucune évolution de notre système ne pourra se réaliser si elle ne vient pas des professionnels eux-mêmes. Ils doivent être en première ligne pour proposer des innovations, participer à leur évaluation, faire évoluer les bonnes pratiques, s'emparer des questions d'efficience en santé et de la gestion des risques, et ce avec les premiers bénéficiaires, les patients et citoyens.

L'élaboration d'un projet de construction d'un nouveau campus hospitalo-universitaire, le campus Nord, qui doit remplacer deux hôpitaux – Bichat et Beaujon – de mon groupe hospitalier d'ici à 2025, a mis en lumière les transformations majeures qui attendent nos hôpitaux dans les années qui viennent. Emblématique hôpital du futur, il devra intégrer des innovations majeures tant organisationnelles que médicales, permettant la réduction des durées de séjour pour le plus grand bien des patients, mais aussi l'hôpital numérique, l'intelligence artificielle et la santé, le développement de la médecine ambulatoire, la mutualisation des plateaux de lits, l'ouverture sur la médecine de ville. Ce projet représente une expérimentation qui pourra aider à affiner tous ces changements, et m'a également beaucoup appris.

Ces évolutions suscitent des inquiétudes car elles s'accompagnent d'une profonde modification de notre façon même de penser l'hôpital, avec une réduction capacitaire significative qui rend indispensable le travail collaboratif en amont avec les cabinets libéraux et les autres structures de soins de ville, mais aussi avec les soins de suite et de réadaptation et les structures médicales et médico-sociales en aval.

L'ensemble de ces expériences m'a certes donné des compétences, mais m'a surtout sensibilisée fortement aux enjeux qui seront les nôtres dans les années à venir. Je suis profondément attachée à préserver et accroître la qualité de ce système qui bénéficie à tous. C'est la principale raison de ma présence devant vous aujourd'hui.

La Haute autorité de santé est une institution importante dans le domaine de la santé, car sa responsabilité sociétale consiste à aider les pouvoirs publics à préserver les valeurs fondamentales de qualité, de solidarité et d'équité, en même temps que les droits individuels et collectifs des patients comme des professionnels. Autorité publique indépendante à caractère scientifique et médical, elle permet de fonder nos politiques de santé sur une approche scientifique et médicale, précisément : c'est la médecine basée sur les preuves qui, seule, permet de déterminer le juste soin et sa pertinence. L'indépendance de la HAS à l'égard du pouvoir politique comme des intérêts privés, quels qu'ils soient, est la garantie, avec l'excellence scientifique, de la pertinence de ses avis, et la qualité de son travail est à mon sens une condition d'acceptation par tous les acteurs des choix qui doivent être effectués.

Notre système de santé est considéré comme l'un des meilleurs au monde, mais il vit une profonde mutation qui ne fera que s'accélérer dans les prochaines années. Il doit faire face à des choix stratégiques justifiés par l'augmentation de la demande de soins due au vieillissement de la population et aux maladies chroniques, mais aussi par le rythme de l'innovation et les attentes des citoyens, dans un contexte de contrainte économique. C'est ce contexte qui a conduit à la définition des quatre axes de la stratégie nationale de santé : prévention et promotion de la santé tout au long de la vie et dans tous les milieux, lutte contre les inégalités sociales et territoriales d'accès à la santé, nécessité d'accroître la pertinence et la qualité des soins et, enfin, innovation.

Ces axes engagent l'institution mais, comme à l'IRSN, il faut aussi y prendre en compte la sensibilité sociétale au-delà des connaissances scientifiques, et y amplifier la participation des patients et des citoyens à tous les niveaux. Il appartient à la HAS d'assumer des enjeux nouveaux de communication en lien avec les professionnels, les sociétés savantes et les associations de patients, mais aussi avec les médias, dans une société où les réseaux sociaux favorisent parfois la diffusion de croyances au détriment des connaissances. Or, les professionnels de santé ont déjà tous modifié profondément leurs pratiques au cours des dernières décennies. La médecine exercée aujourd'hui n'a rien à voir avec celle que j'ai connue durant mon internat. Les professionnels sont un peu inquiets et ont l'impression d'un effort qui ne cesse jamais, comme une vis qui tourne sans fin. Ils ont raison : il faut toujours faire plus et mieux. Les changements qui nous attendent seront à mon sens aussi profonds que ce qui a déjà été fait. En même temps, c'est pour eux – pour nous – une profonde satisfaction d'être de plus en plus efficaces pour prévenir et pour soigner. Il faut donc absolument accompagner ces professionnels qui ont besoin de sérénité pour exercer leur métier, et accompagner les patients pour qu'ils puissent prendre toute la place qui leur revient de droit. Le travail de la HAS consiste à fournir les outils de ces évolutions, à aider à faire les bons choix, à être garante de leur pertinence et à les accompagner.

Comme vous le savez, la Haute autorité de santé exerce de nombreuses missions à forts enjeux : évaluer les produits de santé – médicaments, dispositifs médicaux, actes – ainsi que les actions et programmes de santé publique, définir les bonnes pratiques professionnelles, et enfin certifier et accréditer les établissements et certains professionnels. Elle est interrogée sur tous les sujets importants relevant de son domaine. Elle exerce selon moi ses missions avec compétence et nombreux sont les pays qui nous l'envient, eu égard à la qualité des centaines d'avis rendus – une gageure au vu du rythme actuel de l'innovation. C'est à mettre au crédit de son indépendance, de la qualité et du dévouement de ses salariés, de l'excellence de ses experts autant que de sa méthodologie de travail dans une démarche scientifique et transparente.

S'agissant de la mission d'évaluation des produits de santé, les principaux enjeux qui nous attendent dans un contexte d'innovation très forte et onéreuse sont la qualité de la méthodologie d'évaluation, la rapidité de cette évaluation, le maintien de l'accès équitable à l'innovation, la soutenabilité financière du système et, donc, le développement de l'évaluation médico-économique. Mes prédécesseurs ont déjà effectué un travail considérable concernant les critères d'évaluation, dans un souci d'impartialité, de transparence et de simplification, et en développant l'évaluation médico-économique et celle de l'efficience des stratégies thérapeutiques autant que des produits. Il faut, comme au Royaume-Uni, s'appuyer sur des équipes de recherche académique pour participer à ces évaluations, et la participation active des patients à l'évaluation, que la HAS a fortement développée, constitue également un gage de qualité.

Cette participation des patients n'est pas formelle ; il est scientifiquement démontré qu'elle améliore les évaluations et, in fine, la qualité des soins. Nous allons poursuivre et accélérer ce travail, en particulier dans un contexte européen dans lequel il a toute sa place, et où la HAS bénéficie d'une forte reconnaissance. Il faut rappeler que tant dans le domaine du médicament que dans celui des dispositifs médicaux, des innovations thérapeutiques majeures arriveront dans les mois qui viennent à des prix inédits en matière de thérapie génique, d'immunothérapie et de biothérapie, et ce dans tous les domaines, au-delà du traitement du cancer : l'asthme sévère, la dermatologie, les maladies rhumatismales inflammatoires sévères – de très nombreuses pathologies sont concernées. Certaines injections coûtent plus de 500 000 euros par dose mais peuvent sauver ou transformer la vie de certains patients. Notre pays fait partie de ceux dans lesquels les patients – tous les patients sans condition de ressources – ont le plus vite accès à cette innovation. L'enjeu est de préserver cet accès et, pour commencer, de faire les choix pertinents.

Quels sont les enjeux dans le champ de la certification des établissements de santé et de l'accréditation des médecins ? Il s'agit d'une mission colossale : 2 600 établissements sont concernés et plus de 600 visites ont lieu chaque année afin d'évaluer les établissements de santé publics et privés. Cette mission a trait au niveau des prestations et soins délivrés aux patients et à la dynamique d'amélioration de la qualité. Trois maîtres-mots sont à retenir : médicalisation, simplification et évaluation par les résultats. Jusqu'à présent, il est notoire que cette accréditation a été centrée sur les structures et les processus, mais peu sur la pertinence médicale ou les résultats des prises en charge. Nul ne peut nier que cela a grandement amélioré la qualité générale des organisations, et c'était la base par laquelle il fallait commencer. On prend désormais mieux en charge la douleur, on prévient mieux les infections nosocomiales, on assure mieux la continuité des soins ou encore l'information du patient, on s'attache à recueillir son consentement avant les actes invasifs.

Cependant, le système est parvenu à une maturité qui permet désormais d'aller au-delà en évaluant la pertinence des prises en charge cliniques et leurs résultats tout en veillant à la pérennité de la qualité de l'organisation générale des soins. Là encore, il faut modifier les paramètres de l'évaluation en faisant le deuil de l'exhaustivité et en ciblant des paramètres de résultats. Ces dernières semaines, la HAS a ainsi proposé, avec une grande prudence au sujet des possibles effets délétères, une évaluation de la mortalité par pathologie. Une expérimentation sera lancée l'année prochaine sur la mortalité à un mois après un infarctus du myocarde. Cela permettra de mieux juger, au moyen de critères durs, de la pertinence des prises en charge, et de les améliorer là où c'est nécessaire.

Cela aura également l'avantage de replacer la certification entre les mains des professionnels de santé, de remobiliser les équipes médicales et paramédicales, de valoriser les actions entreprises en les engageant dans une dynamique d'amélioration continue. Il faut donc parler leur langage. Les indicateurs doivent être simplifiés, compréhensibles, proches des pratiques, lisibles par les acteurs de terrain qui doivent pouvoir se les approprier. Cela renforcera le sens donné à la certification et l'intègrera dans le quotidien des professionnels. Il faut renforcer la fonction incitative d'aiguillon et faire porter l'évaluation sur des fondamentaux indiscutables, mais surtout sur la capacité des équipes à progresser.

Cette évolution vers une plus grande médicalisation de la certification a certes commencé, mais nous n'en sommes qu'au début. In fine, le but est d'évaluer le parcours du patient dans son ensemble, en sachant que l'hôpital n'en représente qu'une petite part. L'expérimentation s'oriente vers des évaluations qui prennent en compte l'amont et l'aval, comme celle qui est proposée pour la prise en charge d'une fracture du col du fémur, par exemple. La construction du référentiel des parcours est une mission essentielle et, si ces expérimentations proposent de nouveaux modes de financement, il devient indispensable d'en mesurer la pertinence et les résultats.

L'évaluation des groupements hospitaliers de territoire renforcera aussi la transversalité et nous devrons faire en sorte de maintenir l'évaluation de chaque site mais aussi celle des parcours en lien avec les autorisations délivrées par les agences régionales de santé. Certains chantiers sont à revisiter en raison du contexte de forte évolution, comme les éléments-socles de qualité et de sécurité des activités autorisées. Il appartient à la HAS de fournir aux tutelles des éléments pour une régulation des structures qui permette d'optimiser le service rendu à la population. Une fois de plus, ce travail doit reposer sur une analyse scientifique de la littérature ainsi que sur l'avis des experts et des patients.

La troisième mission de la HAS consiste à élaborer des recommandations, qui s'adressent avant tout aux professionnels pour les aider à mettre à jour leurs pratiques – une nécessité, compte tenu de la rapidité des évolutions. Ces recommandations portent sur les bonnes pratiques médicales, mais aussi sur des questions organisationnelles. Elles s'inscrivent totalement dans le pilotage par la pertinence proposé par la ministre, qui a fait l'objet de la journée de la HAS qui s'est tenue mardi dernier. Elles concernent le soin mais aussi la prévention et, directement, les soins de premier recours.

Nous avons la chance d'avoir en France un réseau de médecins libéraux généralistes et spécialistes qui ont la confiance de nos concitoyens et doivent donc être en première ligne pour l'amélioration de la prévention et des prises en charge. Ils ont besoin d'être accompagnés pour structurer ces prises en charge et la mise en place d'équipes pluridisciplinaires telles qu'elles existent dans les maisons de santé, par exemple. Là encore, l'acceptabilité de ces recommandations ne peut être acquise que si ce travail est menée de manière collaborative avec les patients, les sociétés savantes, les professionnels libéraux et salariés, en particulier pour assurer la cadence de leurs actualisations, et la qualité de leur diffusion et de leur suivi. Ces collaborations ne doivent pas affecter l'indépendance des recommandations, et la vigilance dans le contrôle des liens d'intérêt doit être maintenue.

Le mode de communication doit aussi se moderniser si nous voulons être suffisamment visibles, car ce domaine a beaucoup évolué et il est essentiel pour la diffusion, et donc l'appropriation des recommandations.

Enfin, la sensibilisation des jeunes médecins en formation pourrait être améliorée en partenariat avec nos centres hospitaliers universitaires.

Vous connaissez le contexte dans lequel je prendrai mes fonctions si vous le jugez pertinent. Pendant les quinze mois de sa présidence, Mme Buzyn avait engagé de profonds changements dans l'institution, qu'avait permis l'ordonnance du 2 janvier 2017. Elle a fait modifier la constitution du collège et les règles de son renouvellement. En particulier, elle y a instauré la parité alors qu'à son arrivée, le collège ne comptait aucune femme parmi ses huit membres. Elle a également désigné des femmes compétentes à la tête des directions et des services. Elle a participé à la simplification du paysage des agences sanitaires. Le comité technique des vaccinations a ainsi été rattaché de façon cohérente et efficiente à la HAS, avec la création d'une commission réglementée spécifique. Les enjeux sociétaux des sujets vaccinaux n'ont pu vous échapper ces derniers temps, et la commission s'est mise au travail avec la rigueur et l'indépendance qui caractérisent l'institution ; elle commence d'ailleurs à produire ses premiers avis.

Le deuxième rapprochement en cours de discussion, qui a pu susciter des inquiétudes, concerne l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Cette agence, créée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2007, est née de la volonté des pouvoirs publics d'accompagner ces établissements dans la mise en oeuvre de l'évaluation interne et externe instaurée par loi du 2 janvier 2002. Le rapprochement a été suscité dans l'objectif de favoriser les travaux interdisciplinaires et transversaux relevant du secteur sanitaire et social, et ce au service des parcours de vie et de soins des usagers.

L'ANESM a accompli, au cours des dernières années, un important travail pour élaborer des outils d'évaluation dans ce domaine – forcément différents de ceux utilisés pour les établissements de soins –, et l'on ne peut que saluer les progrès qu'elle a permis dans la prise en charge des personnes âgées ou en situation de handicap et dans la protection des jeunes en situation de vulnérabilité. Cependant, dans un contexte très évolutif, les deux agences ont, à mon sens, tout à gagner à conjuguer leurs forces pour faire progresser davantage encore cette prise en charge et à partager des méthodologies éprouvées pour améliorer les critères d'évaluation de ces établissements. Leur nombre – environ 32 000 – est très élevé, beaucoup plus que celui des établissements de santé, qui n'est que de 2 600. On conçoit donc aisément les problématiques liées à des évaluations réalisées par des organismes habilités très variés, sans cahiers des charges opposables. En gage de la prise en compte de la spécificité de cette mission, il est prévu dans le PLFSS de créer, au sein de la HAS, une commission réglementée indépendante qui bénéficiera de la même autonomie que la Commission de la transparence ou la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS), par exemple.

Enfin, il faut noter que les différentes lois de santé ont attribué, chaque année, de nombreuses missions nouvelles à la HAS. L'une d'entre elles consiste, du reste, à rendre annuellement une analyse prospective du système de santé français qui doit conduire à formuler des propositions d'amélioration de la qualité, de l'efficacité et de l'efficience de celui-ci. Le PLFSS pour 2018 ne fait pas exception, puisqu'il comporte de nombreuses mesures qui affecteront le travail de la Haute autorité : vaccinations obligatoires, télémédecine, régulation des activités d'information dans le champ du dispositif, pertinence des soins.

La politique de santé axée sur la pertinence des soins engage fortement l'institution. Chacun constate en effet que la régulation par l'enveloppe de l'ONDAM n'est plus suffisante et qu'elle doit être complétée d'une régulation par la qualité et la performance. Ce sera fait, grâce à la création d'un tiroir d'innovation organisationnelle et de tarification qui sera doté d'un fonds financier. Il permettra à des acteurs de terrain de demander un soutien financier pour la mise en oeuvre de nouvelles organisations, de nouveaux modes de prise en charge ou de coordination entre la ville, l'hôpital et le médico-social. Ces innovations, qui doivent favoriser le décloisonnement pour remettre le patient au coeur de sa prise en charge, devront être évaluées avec soin avant d'être déployées. L'enjeu, pour la HAS, consistera à définir, selon ses méthodes et en concertation avec les professionnels, dans un calendrier resserré, une batterie d'indicateurs de résultats, y compris du point de vue du patient.

Toutes ces tâches sont cohérentes dans le contexte d'évolution du système, mais elles soulèveront à terme la question des moyens budgétaires et humains de l'institution, déjà évoquée par mon prédécesseur. La HAS, comme le relève la Cour des comptes, est bien gérée. Elle a consenti, à l'instar des autres institutions publiques, d'importants efforts d'efficience pour contribuer à l'effort budgétaire national et elle a rogné petit à petit sur son fonds de roulement. Mais les limites de l'exercice seront bientôt atteintes : il faudra trouver d'autres leviers pour améliorer son efficience et veiller à la pérennité de ses moyens pour assurer son efficacité.

Pour conclure, je dirai un mot du contexte européen. Les questions qui se posent à nous dans le domaine de la santé se posent à l'échelle mondiale. L'Europe est un maillon important où les ressources et les expériences peuvent être mutualisées et les critères de qualité converger. Elle a également un rôle à jouer dans la gestion, voire la régulation, des prix des médicaments innovants. La HAS, qui joue un rôle moteur dans l'évolution et l'harmonisation des démarches d'évaluation, est déjà fortement intégrée dans les réseaux européens – mes prédécesseurs y ont beaucoup travaillé. Mais il nous faut encore renforcer ce positionnement, à l'heure du « Brexit » et des bouleversements à venir, pour être force de proposition et faire valoir notre système de santé. La tâche est vaste et requiert, en interne, des efforts permanents de réactivité et de transversalité. Il s'agit d'un travail collégial, mené par des équipes de qualité et un collège renouvelé sur les bases solides posées par mes prédécesseurs.

J'espère que mon expérience, mes valeurs d'éthique et de probité, ma détermination, mon enthousiasme et mon engagement en faveur du service public vous convaincront de me confier la direction de cette belle institution. (Applaudissements.)

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