Intervention de Dominique le Guludec

Réunion du jeudi 16 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Dominique le Guludec :

M. Mesnier m'a interrogée sur l'innovation, notamment dans le domaine de l'e-santé et de la télémédecine. La HAS travaille depuis quelque temps déjà à l'élaboration de référentiels en matière de téléconsultation et de télé-expertise. Dans ce domaine, les critères d'évaluation, totalement différents de ceux qui sont appliqués aux médicaments et aux dispositifs médicaux, ne sont pas toujours faciles à définir. Néanmoins, ils ont permis de valider des expérimentations, et donc d'intégrer dans la nomenclature certains actes qui seront remboursés à compter de l'année prochaine. C'est un travail de longue haleine dont nous ne sommes qu'au commencement, même s'il a débuté il y a déjà quelque temps.

Certes, la téléconsultation ne remplacera jamais le dialogue singulier avec le patient, mais elle peut rendre de grands services – on a évoqué les problèmes de démographie médicale. La télé-expertise permet, par exemple, à un neurochirurgien de recevoir le dossier d'un patient qui se trouve dans un centre de soins d'urgence, d'évaluer la nécessité d'une intervention chirurgicale et de décider si ce patient doit être transféré ou non. Elle a donc déjà une utilité évidente, mais son non-remboursement a entravé son développement. Elle va pouvoir être déployée de manière plus importante, et il appartiendra à la HAS d'évaluer ses résultats.

De même, l'e-santé peut fournir une aide à la décision mais il est difficile de l'apprécier, car personne ne l'utilise de façon routinière : elle n'est pas encore intégrée dans les logiciels qu'utilisent les médecins. En tout état de cause, la qualité de ces logiciels, mais aussi leur pertinence et leurs résultats devront être évalués. Il s'agit d'un véritable enjeu car, si cette technologie ne remplacera pas les médecins, elle les aidera considérablement dans leur pratique et l'organisation générale des soins. Les forfaits « Innovation » seront coordonnés par un comité stratégique de pilotage : nous espérons bien avoir notre mot à dire sur la qualité de ces expérimentations.

Quant à l'innovation rapide, il s'agit d'une véritable gageure. Notre système de santé devra assumer le coût de certaines innovations, car nous ne priverons pas nos concitoyens de ces progrès considérables. Il va nous falloir trouver d'autres leviers, notamment au plan de l'organisation et de la pertinence de l'utilisation des moyens. Il faut en effet que l'on gagne d'un côté pour pouvoir évaluer nous-mêmes ces innovations de manière indépendante, car certains dossiers de laboratoire ont un substrat scientifique faible et sont évalués sur de petites séries. On nous dit que nous sommes en retard sur l'Allemagne ou sur tel autre pays. Non : aujourd'hui, la France n'est pas du tout en retard. Nous faisons partie des pays les plus rapides pour évaluer les innovations et les mettre à la disposition des patients. Nous avons, certes, une exigence de qualité ; il faut que les industriels fassent preuve de compliance. En tout état de cause, nous ne devons pas lâcher.

M. Lurton m'a interrogée sur la pérennité de la qualité des soins et sur la démographie médicale. La formation et la répartition des médecins n'entrent pas dans les compétences de la HAS. Mais il est vrai que ces questions ont des implications importantes sur l'organisation de la prise en charge des patients, domaine dans lequel nous jouons un rôle. Dans les maisons et les centres de santé, il faut en effet établir des conventions entre les différents professionnels et les aider à mettre en musique cette collaboration pluridisciplinaire. Dans ce domaine, la HAS se doit de faciliter, en apportant une aide pragmatique, la mise en place de ces structures.

Par ailleurs, je vous remercie, monsieur Lurton, d'avoir exprimé votre préoccupation quant au financement de la HAS. Soyez assuré que je veillerai à ce que l'efficience soit de mise au sein de la Haute autorité, mais aussi à ce que celle-ci ait les moyens de ses actions, lesquelles sont d'autant plus importantes que le monde de la santé est très mouvant.

M. Hammouche a évoqué le suivi et la visibilité des recommandations de la HAS. C'est en effet un problème, mais il ne faut pas sous-estimer leur rôle. Lors de la journée de la HAS, la semaine dernière, un collègue obstétricien qui exerce dans une clinique privée de province nous a expliqué que l'équipe médicale avait été alertée par le classement de la clinique. Ils se sont en effet aperçus que, s'agissant des recommandations de la HAS sur les césariennes programmées, ils n'étaient pas du tout « dans les clous ». Les médecins ne sont pas de mauvaise volonté ; leurs pratiques peuvent simplement être un peu décalées. Toujours est-il que cette clinique avait un taux de césariennes programmées un peu trop élevé. Ils ont donc étudié les référentiels que nous mettons à leur disposition et ils sont parvenus à diviser par deux le nombre de ces césariennes, après avoir discuté entre eux de leurs pratiques, ce qui, jusqu'à présent, n'était pas courant dans les cliniques privées. Satisfaits du résultat qu'ils ont obtenu sur les césariennes, ils se sont saisis d'un autre indicateur, qui ne leur semblait pas très bon, pour l'améliorer également.

La HAS joue donc un rôle d'aiguillon, d'incitation. Les recommandations sont faites pour que les professionnels s'en saisissent. Elles ne peuvent pas être coercitives, car la médecine est complexe. Le patient qui est en face du médecin est un sujet particulier, atteint d'une pathologie particulière : il n'est pas la moyenne des patients. La HAS ne peut donc en aucun cas être un gendarme. Elle doit accompagner la démarche des professionnels qui souhaitent faire mieux.

Quant à la visibilité, elle est, c'est vrai, un problème. La HAS a déjà beaucoup travaillé à améliorer la présentation de ses recommandations en en présentant une version courte et une version longue. De fait, mes amis praticiens me disent qu'ils n'ont pas le temps de lire ces documents. Auparavant, les labos organisaient des réunions au cours desquelles des hospitalo-universitaires venaient leur présenter les bonnes pratiques, et la formation se faisait ainsi. Ces réunions n'existent plus parce que les liens d'intérêts avec les labos posaient problème, et on ne les a pas vraiment remplacées. En tout état de cause, nous ne pouvons pas nous adresser aux jeunes médecins de la même manière qu'à des médecins de mon âge. Il faut donc que nous modernisions notre communication pour améliorer la visibilité de nos recommandations.

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