Plusieurs de vos questions ont trait à la prévention.
Le diabète de type 2 est en effet une pathologie en augmentation et sur laquelle le mode de vie peut avoir une influence importante. Dans ce cas, la prévention s'adresse au citoyen, à l'ensemble de la population, même si elle peut être véhiculée par le médecin généraliste ou le spécialiste. Nous avons probablement des efforts de formation à faire en la matière. C'est probablement lorsque qu'ils sont écoliers ou collégiens que l'on peut sensibiliser les jeunes aux dangers de la malbouffe, du tabac, de l'alcool, etc., et les inciter à la pratique sportive.
La HAS a pour rôle de produire des référentiels et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre. Elle n'a pas vocation à définir des politiques de santé à l'intention des populations, par exemple de diffusion d'informations à la télévision. Elle ne peut qu'accompagner et aider ces actions. À cet égard, je considère que tous les maillons de la santé, de l'école et de la formation doivent s'investir.
Ce domaine est assez éloigné de l'évaluation des soins ou de la vaccination : c'est le mode de vie qui est concerné. Et les actions de lutte et de prévention excèdent largement le champ de la santé et du corps médical. Les diverses campagnes nationales ne sont probablement pas encore assez percutantes et nombreuses. Pour ma part, je crois beaucoup à l'action préventive ainsi qu'à l'éducation. Cela étant, un de mes deux enfants fume, preuve que je ne l'ai pas complètement convaincu… (Sourires.) Le stress, les difficultés professionnelles, bref, la réalité de la vie.
La question de l'expertise et des conflits d'intérêts est difficile, car nous avons besoin d'experts compétents et que ceux-ci travaillent avec l'industrie. J'ai moi-même fait de la recherche, ce qui n'est pas possible sans les industriels. Un certain nombre de principes sont alors très utiles, au premier rang desquels se situe la transparence. L'information dans ce domaine est désormais accessible : tout un chacun peut prendre connaissance des liens d'intérêt des médecins – jusqu'au café pris dans un congrès.
Cette transparence est importante, car, lorsqu'on évalue une démarche thérapeutique, une stratégie, un médicament ou un dispositif, tous les avis doivent être recueillis : celui de l'industriel, celui du médecin, celui du patient. Il y aura toujours des liens d'intérêts, l'important est de le savoir, et que cela soit transparent. Les délibérations et les auditions réalisées par les commissions réglementées des industriels sont désormais filmées et accessibles à tous. Si donc il existe un lien, il est visible. D'autre part, je crois beaucoup à l'audition des différentes parties, car un lien d'intérêt est neutralisé dès lors que plusieurs parties prenantes sont entendues puisque les intérêts ne sont pas les mêmes.
Mme Vignon m'a interrogée sur l'usage des antidépresseurs et des médicaments en général ainsi que sur la formation des professionnels. La HAS est précisément là pour élaborer des référentiels, faire des recommandations et alerter lorsqu'elle constate que la prise en charge des patients n'est pas la bonne. En outre, ces alertes doivent être lancées de façon répétée, car, encore une fois, la médecine évolue très vite : ainsi, une prise en charge efficace en 2000 ne l'est plus en 2017 ; ce qui est une gageure pour les professionnels.
Ces alertes concernent tout le monde : les enseignants, les médecins généralistes et les professionnels qui sont au contact des patients. Les évaluations médico-économiques tiennent une place stratégique dans la mesure des effets de nos recommandations, car, s'il est bon de les formuler, il faudrait disposer d'outils propres à mesurer, avant et après, leurs effets. Cet exercice n'est pas simple, car, autant un dossier informatisé est constitué pour chaque patient hospitalisé, ce qui permet la circulation de l'information à l'échelon national, autant nous ne disposons pas des diagnostics exacts établis par la médecine libérale ; nous ne connaissons que les traitements qui leur sont prescrits. Ainsi l'évaluation de la prise en charge pratiquée par la médecine de ville est-elle plus difficile.
Des pays d'Europe du Nord, plus petits que le nôtre, ont informatisé l'ensemble de cette médecine de ville ; ce qui met à disposition l'information relative aux diagnostics et aux traitements. Tous nos médecins sont désormais informatisés : faudra-t-il un jour s'inspirer de ce système ? Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Il n'en demeure pas moins que nous manquons d'outils pour mesurer l'impact des pratiques de la médecine de ville.