… et non une obligation de discrétion – comme vous l'avez dit à propos de votre autre amendement, que vous avez présenté comme un amendement de repli.
Cette mesure est contraire à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, y compris si on l'applique aux ministres du culte, qui n'existent pas en tant que catégorie juridique et que vous n'excluez pas explicitement de votre disposition. Pour ceux qui suivent nos débats, il est donc intéressant de constater que votre présentation ne correspond pas tout à fait au contenu de vos amendements.
Vous tentez de distinguer l'espace privé – le domicile – , l'espace public – la voirie – mais aussi l'espace du service public, une notion plus large, plus floue, pas claire, et que vous ne définissez jamais. Le parvis de la mairie en fait-il partie ? Et la cafétéria ? D'autre part, si la voirie est publique, l'arrêt de bus, transport public, est-il un espace de service public ? Si l'on suit votre raisonnement, on devrait donc retirer son foulard à l'arrêt de bus mais que devrait-on faire dans une avenue qui ne comporte pas d'équipement de service public ? Cette notion d'espace de service public est totalement floue. Il serait d'ailleurs intéressant de la définir. C'est un voile pudique, si j'ose dire, qui masque le fait que vous n'arrivez pas à définir précisément vos intentions et que vous voulez sans cesse refaire le match d'hier.
Vous savez d'ailleurs très bien que cela ne correspond pas à la laïcité à la française. Encore une fois, nous pouvons avoir des divergences concernant ce que doit être la laïcité. Mais vous souhaitez changer sa définition même et donc les principes fondamentaux de la République française, tels qu'ils sont inscrits dans la Constitution de la Ve République et prévus par le Conseil constitutionnel comme étant reconnus par les lois de la République.
La liberté de conscience et la liberté d'expression religieuse sont, je le rappelle, reconnues par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Cela montre qu'à l'époque les législateurs étaient conscients du caractère particulier de la religion en tant qu'opinion – car, d'un point de vue républicain, la religion est une opinion, respectable en tant que telle, et bien évidemment, la loi de Dieu ne doit pas prendre le pas sur la loi des hommes. Le libéralisme, qui est au coeur de l'action et de la tradition politiques que vous défendez, passe par la possibilité d'accepter des expressions, y compris religieuses, et même si elles nous gênent.
Dans les autres amendements, tout a été un peu mélangé. M. Ciotti a défendu l'interdiction du burkini. Je tiens à lui dire que je soutiens évidemment la présidente de région Valérie Pécresse dans le combat qu'elle semble mener pour l'interdiction du burkini, notamment dans les bases de loisirs de la région Île-de-France. Je considère à cet égard que la lettre envoyée par l'adjointe de la Défenseure des droits est nulle et non avenue. Mme Pécresse a bien sûr le droit de fixer le règlement d'une base de loisirs qui relève du service public et de procéder à une interdiction pour des raisons sanitaires ou de trouble à l'ordre public. De nombreux maires ont d'ailleurs fait figurer de telles dispositions dans le règlement d'une base de loisirs ou d'une piscine de leur commune, en envisageant la question, non pas sous un angle religieux, mais sanitaire ou de trouble à l'ordre public.
Il ne me semble donc pas nécessaire de recréer un débat sur ce sujet – dont, d'ailleurs, plus personne ne parle – à moins qu'à la suite d'une décision de justice on n'autorise le port du vêtement religieux en considérant que les règlements intérieurs seraient discriminatoires. Or ce n'est pas du tout la position actuelle de notre droit.
Le juge administratif n'a pas rendu sur ce point d'arrêt de principe, évoquant seulement le fait que les arrêtés municipaux prohibant le burkini pouvaient être considérés comme discriminatoires. Je rappelle au passage que c'est ce gouvernement qui a dissous le CCIF – le Collectif contre l'islamophobie en France, à l'origine de ces recours – , reconnaissez-le au moins, monsieur Ciotti, dites tout de même un jour que nous avons pu prendre parfois des décisions courageuses. Vous savez bien que le CCIF avait été créé au début des années 2000, et vous pourriez au moins reconnaître que cette décision de dissolution, extrêmement courageuse, n'avait pas été prise par mes prédécesseurs – mais chacun apporte sa pierre à l'édifice.
Par ailleurs, je constate avec plaisir que vous citez beaucoup François Baroin, un homme tout à fait respectable à qui j'ai exprimé mes doutes… mais assez peu Xavier Bertrand. C'est d'autant plus dommage que j'ai hâte de savoir s'il y aura dans le programme du candidat de votre famille politique à l'élection présidentielle l'interdiction de tout signe religieux dans l'espace public. Ce sera intéressant ! J'entends votre silence… un silence religieux !
Le 12/02/2021 à 22:42, Laïc1 a dit :
"la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ».
Comme si porter un foulard était une opinion... Une opinion contre la pluie ? Et rappelons que définir la nature d'un voile sur la physionomie de celle qui le porte s'apparente à du racisme prohibé par la loi.
Le 12/02/2021 à 22:38, Laïc1 a dit :
"qui masque le fait que vous n'arrivez pas à définir précisément vos intentions et que vous voulez sans cesse refaire le match d'hier."
Son intention, c'est de faire des procès d'intention aux femmes voilées...
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