Une autre question est celle des horaires réservés, dans certains lieux – les piscines, par exemple – , pour des motifs religieux et selon des critères de genre.
Il ne s'agit pas de substituer le préfet à l'élu, mais de permettre au préfet, en cas de menace grave – le terme est important, et c'est pourquoi il ne faut pas supprimer le mot « gravement » du texte – , de demander la suspension de l'acte administratif, en le déférant au tribunal administratif, qui jugera rapidement de sa légalité, l'élu pouvant, le cas échéant, contester la décision, comme c'est bien normal.
Vous le savez, l'article 72 de la Constitution garantit la libre administration des collectivités. Toutefois, celle-ci est limitée puisque l'État encadre l'exercice des libertés locales. L'État doit pouvoir intervenir quand les actes positifs d'élus posent problème, tout en respectant une certaine proportionnalité – seuls les actes graves doivent être suspendus.
Monsieur Jolivet, madame Bono-Vandorme, nous n'avons pas conçu cette disposition dans l'esprit que vous évoquez. Nous voulons faire naître le débat public au sein des assemblées délibérantes locales. Trop souvent, quand il s'agit de savoir si les actes constituent un accommodement déraisonnable avec la laïcité, le débat public manque, car les actes concernés sont pris par le maire, qui n'en rend compte que lors des conseils municipaux. Or ceux-ci sont parfois très éloignés dans le temps – d'un trimestre, dans certains cas – et l'assemblée délibérative et la vie locale ne mettent pas forcément en avant ces actes, notamment parce que le préfet ne se sent pas toujours en mesure d'intervenir.
Désormais, le préfet de la République pourra dialoguer avec les élus, dans le secret de son ou de leurs bureaux, saisir l'arme que constitue l'article 2 si elle lui apparaît proportionnée, et faire naître un débat médiatique et politique au sein même de l'assemblée délibérative. Ce point est important : la mesure n'est pas uniquement de coercition, elle est aussi d'information.
Monsieur Lagarde, je ne partage pas tout à fait votre vision des choses. Selon moi, il n'y a pas lieu de préciser notre réponse aux actes des maires dont le caractère positif est douteux, mais qui ont pour conséquence l'une des atteintes visées par l'article 2. Distinguons tout d'abord l'élu local – ce n'est pas toujours le maire – qui est habilité, en tant qu'agent de l'État, à prendre des actes administratifs et les autres élus.
Les actes du maire peuvent ainsi être de deux types. Certains relèvent de sa fonction d'élu qui applique, comme vous le savez, les délibérations prises par l'assemblée délibérative, laquelle exerce une liberté locale ; d'autres sont des actes unilatéraux que le maire décide en sa qualité d'officier d'État civil et, plus largement, de représentant de l'État.
Le préfet ne peut se saisir que d'actes positifs – qu'il s'agisse de délibérations, d'actes administratifs ou d'instructions. Bien des décisions dont on n'imaginerait pas qu'elles constituent des actes administratifs sont pourtant qualifiées comme telles par le droit. Une instruction ou une circulaire, contraignante ou non, constituent ainsi un acte administratif, y compris quand elles émanent du maire quand il exerce sa fonction exécutive. De même, monsieur le député, on peut qualifier d'acte administratif un e-mail du maire qui viserait, par exemple, à contraindre les fonctionnaires placés sous son autorité à mener telle ou telle politique en matière de prêt de salle, de contrôle ou d'intervention dans la vie communale.
L'article 2 vise tout acte qui peut être dit positif. Nous n'avons pas été jusqu'à prévoir l'intervention de l'État dans les cas où les maires n'agissent pas, même si cela aurait été possible. En effet, de telles carences s'inscrivent dans la continuité du droit positif et de la vie normale, et ne doivent pas être traitées dans l'urgence, en quarante-huit heures.
L'article 2 concerne uniquement des interventions urgentes, menées dans le cadre de l'article 72 de la Constitution, concernant les libertés locales. Il n'empêche pas les préfets et les oppositions locales – surtout les préfets – de recourir aux autres interventions prévues lorsque le pacte républicain n'est pas respecté mais que cette carence n'exige pas un traitement rapide, en vue d'une suspension dans un délai de quarante-huit heures.
Monsieur Jolivet, vous dites que les quatre-vingt-quinze préfets pourront mener quatre-vingt-quinze politiques différentes. Ce n'est pas tout à fait vrai ; les instructions du ministère de l'intérieur sont toujours assez strictes. Lorsqu'une politique a été décidée, elle est déclinée sous forme d'instructions au corps préfectoral, qui l'applique – je peux en témoigner. Si nous laissons aux représentants de l'État une liberté d'appréciation, comme c'est bien logique, lorsqu'ils ont des doutes, ils se tournent vers l'administration centrale, notamment le secrétariat général du ministère de l'intérieur.
Je crois toutefois qu'il faut laisser un peu de latitude à ces hauts fonctionnaires, qui ont les compétences et le salaire correspondant à leurs responsabilités et à leurs moyens d'action. Parfois, en effet, il faut saisir l'esprit et non simplement la lettre. Ne leur faisons donc pas de mauvais procès ; il ne faut pas tout codifier dans la loi de la République.
L'article 2 est très important. Je ne souhaite pas que ces amendements soient adoptés, parce qu'ils fragiliseraient un dispositif juridique très original, respectueux des libertés locales, conçu en lien avec l'Association des maires de France, que je remercie, et instaurant un système d'alerte pour les atteintes à la laïcité et au devoir de neutralité des agents ou des élus.