Après l'échec de la commission mixte paritaire et l'adoption, hier, d'une motion de rejet au Sénat, nous voici réunis pour la dernière lecture de ce projet de loi.
Quel constat pouvons-nous faire ? Le constat, partagé par les deux assemblées, que la dégradation de la situation sanitaire justifie pleinement de prolonger les pouvoirs exceptionnels accordés à l'exécutif pour lutter contre l'épidémie de covid-19. À ce titre, je note que la suppression de l'article 3 par la commission des lois de l'Assemblée nationale, au début de l'examen du texte, a permis de répondre à une préoccupation commune aux deux chambres en fixant des échéances de revoyure plus rapprochées.
Grâce à ce texte, nous disposerons, jusqu'au début du mois de juin, des outils indispensables pour freiner l'épidémie : nous pourrons maintenir le couvre-feu, imposer le port du masque et limiter les rassemblements.
Notre objectif à tous, c'est d'éviter la saturation des services de réanimation et que des patients ne puissent être pris en charge. Car, oui, toutes les mesures de restriction prises par l'exécutif n'ont qu'un seul but : ne jamais se trouver face à l'impossibilité de prendre en charge une personne, faute de lit disponible ou faute de soignant. Il n'y a pas d'un côté les soignants, en première ligne, et nous autres, en deuxième ligne. Si nos rôles sont différents, nous sommes toutes et tous confrontés à la même épreuve collective.
Je sais que chacun entend cet impératif malgré des oppositions de principe à certaines dispositions, l'écart entre les deux assemblées pouvant se résumer à des divergences liées, d'une part, au rythme des échéances pour la prorogation de l'état d'urgence et, d'autre part, aux modifications à apporter au régime de l'état d'urgence sanitaire.
Sur ce second point, nous avons eu l'occasion de le dire, il faudra conduire ce travail lors de l'examen du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires ; c'est ce qui a conduit le Gouvernement à s'opposer à plusieurs amendements à l'article 1er.
Au regard de la dynamique actuelle et de la diffusion progressive sur le territoire national de variants, dont la contagiosité serait plus importante, nous n'avons pas d'autres options que de proroger le régime d'état d'urgence sanitaire.
Au-delà des mesures de police sanitaire, la stratégie « tester, alerter, protéger » a été renforcée. Ces dernières semaines, nous avons beaucoup parlé de mesures de police sanitaire et de vaccination, mais je souhaiterais évoquer en quelques mots cette stratégie, qui reste un socle de notre riposte à l'épidémie.
On l'entend peu dans cet hémicycle, mais les efforts fournis par l'ensemble des professionnels ont permis de faire du système de dépistage français l'un des plus efficaces en Europe. Les tests sont totalement gratuits en France, pour tout le monde, et c'est unique en Europe. On compare souvent les pays dans cette crise, c'est bien normal : rappelons donc que, pour une personne asymptomatique souhaitant se faire tester, il en coûte près de 120 euros en Allemagne et jusqu'à 350 euros au Royaume-Uni. En France, tout le monde peut se faire tester au moindre doute, dans un laboratoire, une pharmacie, chez son médecin ou dans un cabinet infirmier, ce qui distingue notre pays d'autres pays européens où la question de l'accès aux tests n'est toujours pas réglée.
Notre système de dépistage repose également sur une exigence de rapidité : 94 % des résultats de test sont désormais rendus en moins de vingt-quatre heures, proportion très élevée par rapport à nos voisins, seule l'Espagne s'approchant de ce taux.
Notre dispositif repose enfin sur la traçabilité, grâce au système d'information national de dépistage populationnel, le SIDEP. Depuis le début de l'épidémie, les équipes de l'Assurance maladie et des agences régionales de santé – que je salue une nouvelle fois – retracent les cas contacts à risque dans des délais toujours plus courts et accompagnent les personnes concernées, grâce aux systèmes d'information dont vous vous avez fixé le cadre en mai dernier et qui seront prolongés grâce à l'article 4 du présent projet de loi.
Notre plus grand défi consiste désormais à renforcer la compréhension et le respect de l'isolement, sujet que je sais cher à plusieurs d'entre vous, notamment aux députés du groupe Agir ensemble. Nous avons eu un débat transparent, à l'issue duquel nous avons fait le choix de la confiance, en ne nous orientant pas vers un système d'obligations et de contrôle, mais en renforçant significativement l'accompagnement des personnes isolées.
Nous avons supprimé les obstacles financiers à un isolement effectif et immédiat : depuis le 10 janvier, toute personne présentant des symptômes ou étant cas contact peut se déclarer, avant même d'avoir fait un test, sur le site de l'Assurance maladie pour obtenir un arrêt de travail immédiat ; elle sera indemnisée dès le premier jour, sans jour de carence. Nous avons également renforcé le télé-suivi à domicile : depuis fin janvier, toute personne isolée est appelée au moins à deux reprises par l'assurance maladie. Enfin, chaque personne isolée pourra se voir proposer la visite à domicile d'un infirmier, par l'intermédiaire des cellules territoriales d'appui à l'isolement mises en place par les préfectures, en lien avec les collectivités territoriales. Ce sont 16 000 – et non 20 000 comme j'ai pu le dire hier au Sénat – visites infirmières qui ont déjà été réalisées.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour les travaux conduits depuis presque un an désormais sur ce sujet. Tout le monde ici sait la lassitude, la crainte et l'épuisement des soignants. Les prorogations successives sont une nécessité, elles ne sont pas un échec, elles ne sont pas un gadget, encore moins des décisions que l'on prend de gaieté de coeur. Ce sont des décisions prises dans le cadre d'un contrôle démocratique plein et entier, qui s'est exercé pendant la crise et qui s'exerce encore, ici et maintenant, et à propos duquel j'aimerais dire quelques mots pour conclure.
Ce point fait en effet l'objet de critiques récurrentes, auxquelles il convient de répondre. Depuis le début de l'épidémie, l'Assemblée nationale et le Sénat n'ont jamais cessé de contrôler l'action du Gouvernement pour gérer l'urgence sanitaire. Depuis la fin de mois de mars 2020, vous avez débattu de six projets de loi, qui ont fait l'objet de plus de 3 400 amendements, pendant plus de 160 heures de débats en séance, répartis en une vingtaine de lectures différentes.
Douze débats thématiques ont par ailleurs été organisés en séance et ont permis d'interpeller le Gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire – je pense notamment aux débats sur la gestion des masques, sur le déconfinement ou encore sur l'application StopCovid. Le ministre Olivier Véran l'a rappelé, nous avons répondu présent à chaque convocation des commissions permanentes pour éclairer la stratégie sur la vaccination, par exemple, ou les débats en amont de l'examen des textes sur l'état d'urgence.
Enfin, l'action du Gouvernement est soumise au contrôle du juge administratif, et ce sont ainsi des centaines de référés d'urgence qui ont été formés et examinés par le Conseil d'État depuis le début de la crise, et qui ont conduit, chaque fois que le juge l'avait demandé, à faire évoluer notre réponse pour qu'elle soit la plus proportionnée possible aux risques sanitaires encourus. Cela a notamment était le cas pour la mesure instaurant un régime d'autorisation préalable des rassemblements sur la voie publique en juillet dernier, ou de celle limitant à trente personnes tous les rassemblements dans les lieux de culte en novembre dernier ; dans l'un et l'autre cas, le Gouvernement a tiré les conséquences des décisions du Conseil et proposé des mesures alternatives.
Les circonstances exceptionnelles justifient des mesures exceptionnelles mais, dans l'exception, nous n'oublions pas que la norme, notre norme à tous, c'est la démocratie.