Vous dites que cela tord le bâton, mais cela se discute ! Vous voyez bien, en tout cas, que l'on a les moyens d'intervenir ! Une association subventionnée diffusant les paroles de Renaud – « "La Marseillaise", même en reggae ça m'a toujours fait dégueuler » – est-elle irrespectueuse de l'hymne national ? Vaste débat ! L'abbé Pierre a dit en 1992, avec Charles Aznavour et beaucoup d'autres artistes, que « La Marseillaise » contenait des paroles de haine. Pour ma part, je ne suis pas d'accord, mais cela se discute ! Une loi interdit aujourd'hui l'outrage à l'hymne national, mais le respect est quelque chose de plus compliqué ! Il se peut que des citoyens français aient envie de discuter de ces sujets. Il peut même arriver que les associations qu'ils constituent soient subventionnées. Tout cela reste donc extrêmement flou !
J'ai bien compris que vous souhaitiez vous en prendre à ceux qui feraient des déclarations très violentes. Très bien, mais la rédaction de ce dernier point ouvre des champs d'interprétation. Je suis en effet persuadé que selon les mairies et la personnalité des maires, les réactions ne seront pas les mêmes. Certaines mairies iront traquer l'association de quartier subventionnée dans laquelle des jeunes chantent du rap, dont on sait bien qu'il contient des paroles de colère sociale. C'est toute l'histoire de notre pays depuis des siècles : les chansons populaires chantent la colère sociale ! Inspirés par l'anarchisme au XIXe siècle, ces chants étaient souvent critiques à l'égard de la République. Or je vais vous dire, chers amis : tout ceci est profondément français ! Il est profondément français de critiquer le pouvoir et le Président, comme le fait « Le déserteur » de Boris Vian ! Ces chansons existent ! Faudrait-il qu'elles soient sanctionnées ?
On sait bien ce qui va se passer, monsieur le ministre : dans les quartiers où la jeunesse est d'une certaine origine, on va considérer que son chant de colère est anti-patriotique, alors qu'au sujet des chansons de Georges Brassens, on dira que c'est beau et grand – et l'on aura raison de le dire ! Mais il n'est pas bon d'aborder les choses ainsi.
Je conclurai en soulignant que le contrat d'engagement républicain ne règle rien, mais crée un sentiment général de suspicion. Nous avons actuellement les moyens d'agir si des associations diffusent un discours xénophobe, raciste, anti-républicain ou non conforme à la laïcité. La loi le permet. Mais il y a une différence entre agir et s'agiter. Sur le sujet qui nous concerne, vous agissez peu mais vous vous agitez beaucoup. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables au contrat d'engagement républicain et demandons la suppression de l'article 6.