Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 9h00
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je vous remercie pour votre accueil, madame la présidente et je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous avoir demandé d'avancer d'une demi-heure vos travaux.

Je viens présenter aujourd'hui devant votre commission quatre ordonnances rédigées en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Ces ordonnances vous sont présentées en vue de leur ratification législative ; elles seront discutées en séance publique le 19 juillet prochain.

Ni vous, pour la grande majorité en tout cas, ni moi n'avons été directement impliqués dans les débats parlementaires qui ont conduit le dernier gouvernement de la précédente législature à prendre par voie d'ordonnance, dans des délais limités, les dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui. Nous sommes de ce fait sur un plan d'égalité et je m'efforcerai par conséquent d'être aussi claire que possible dans la présentation de chacun de ces textes, dans la description des objectifs poursuivis, des conditions dans lesquelles ils ont été élaborés ainsi que de leur contenu. Et je répondrai naturellement aux questions que vous pourriez vous poser.

Je commencerai par l'ordonnance relative à la profession de physicien médical. Elle reconnaît les physiciens médicaux comme exerçant une profession de santé, ce qui répond à un des objectifs du plan « Cancer 2014-2019 » et donne suite aux conclusions des travaux du Comité de suivi de la radiothérapie mis en place après l'accident d'Épinal. Cela concerne en France une population de 600 radio-physiciens.

En définissant les conditions d'exercice de la profession de physicien médical, le présent projet de loi de ratification de l'ordonnance parachève un important travail de concertation mené en juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux, des spécialités médicales concernées – imagerie médicale, médecine nucléaire, radiothérapie – et avec les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire. La reconnaissance du métier de physicien médical en tant que profession de santé, par une définition précise de son rôle et de ses missions, contribuera à renforcer la qualité et à sécuriser les pratiques dans le domaine de l'utilisation des rayonnements ionisants.

L'article 1er de l'ordonnance insère dans le livre II de la quatrième partie du code de la santé publique la profession de physicien médical dans le même chapitre que celle de pharmacien. Les deux professions ont en effet en commun le contrôle de la prescription médicale : contrôle de la dose de rayonnements ionisants pour les premiers et de la posologie des médicaments pour les seconds. Le livre II est désormais intitulé : « Professions de la pharmacie et de la physique médicale ».

La profession de physicien médical est définie par : l'expertise de ce dernier au sein d'une équipe pluri-professionnelle, expertise qui concerne toute question relative à la physique des rayonnements ionisants ou des autres agents physiques dans les applications liées à la thérapie et à l'imagerie médicale ; les grandes lignes de sa fonction que sont la mise au point de la qualité d'image, l'optimisation de l'exposition aux rayonnements ionisants – la dosimétrie – et des autres agents physiques ; enfin par sa mission essentielle, veiller à ce que les doses radioactives administrées au patient soient appropriées à l'état de santé de ce dernier et au traitement prescrit.

La déclinaison plus précise des missions et des conditions d'intervention du physicien médical sont renvoyées à un décret en Conseil d'État qui sera prochainement rédigé et fera l'objet d'une concertation.

Les articles suivants traitent, selon un plan commun à toutes les professions de santé : des conditions d'exercice de la profession de physicien médical, des conditions d'enregistrement des diplômes, ou encore de l'exercice illégal de la profession. Ces différentes dispositions sont destinées à organiser et à sécuriser l'exercice de la profession et à améliorer la prise en charge des patients.

J'en viens à l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ; elle transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne (CPE), l'accès partiel et le mécanisme d'alerte. Elle introduit par ailleurs au niveau législatif la procédure destinée à sécuriser et harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l'appareillage et pour l'usage du titre de psychothérapeute. Enfin, l'ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d'exercice de trois années imposée aux ressortissants de l'Union européenne pour l'accès en France à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.

Je sais, et même je comprends, les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter auprès des professionnels de santé, à travers l'introduction des dispositions relatives à l'accès partiel. Je tiens donc à revenir rapidement sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme, ainsi qu'à vous indiquer dans quelles conditions il me semble que la mise en oeuvre de ce dispositif devra s'opérer.

La directive communautaire du 20 novembre 2013, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, aurait dû être transposée dans le droit français au plus tard le 18 janvier 2016. Depuis cette date, la France est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Ce manquement à ses obligations constitue la dernière étape avant une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne. Aussi la marge de manoeuvre du Gouvernement est-elle des plus réduites.

En ce qui concerne, par ailleurs, la possibilité qui aurait consisté à exempter l'ensemble des professions de santé, ou certaines d'entre elles, du champ d'application de l'accès partiel, les différentes analyses juridiques réalisées – dont celle du Conseil d'État – ont confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une option envisageable au regard du droit et de la jurisprudence communautaire.

J'affirme toutefois devant vous que je serai particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l'accès partiel au sein de notre système de santé. Cette vigilance pourra justifier d'en appeler à la raison impérieuse d'intérêt général dès lors que l'autorisation d'un professionnel à l'accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge. Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires et articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers. Des dispositions permettant ce contrôle effectif devront être incluses dans le décret en Conseil d'État à prendre cet été et les ordres professionnels seront systématiquement consultés sur toute demande d'accès partiel.

Pour ce qui est de l'ordonnance concernant l'adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, elle a pour objectif de renforcer l'indépendance et l'impartialité des juridictions ordinales, ainsi que de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de permettre l'application par leurs conseils nationaux de la législation relative aux marchés publics. Elle intègre un certain nombre de recommandations du Conseil d'État qui avait mené une mission d'inspection des juridictions administratives, mais aussi des recommandations de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des affaires sociales qui ont successivement conduit, depuis 2012, des missions d'inspection et de contrôle portant sur les ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes et des masseurs-kinésithérapeutes.

J'ai conscience que certaines des modifications qu'il reviendra aux ordres de mettre en oeuvre affecteront leur fonctionnement habituel ; mais les objectifs poursuivis ne me semblent pas discutables et j'ai confiance dans leurs capacités d'adaptation. Je serai par ailleurs attentive à ce que les dispositions transitoires qu'il reviendra de prendre par décret les accompagneront au mieux dans l'adaptation de ces réformes.

L'ordonnance se divise en trois chapitres qui concernent le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et enfin les dispositions transitoires et finales.

Le chapitre Ier concernant le code de la santé publique conforte le contrôle de l'échelon national des ordres – suivi de la politique immobilière de l'ordre, certification des comptes combinée au niveau des conseils nationaux, application des principales règles des marchés publics – et renforce les notions d'impartialité et d'indépendance tant pour les conseils que pour les chambres disciplinaires présidées par un magistrat – incompatibilités, limite d'âge, durée du mandat, conditions de détermination et de publicité des indemnités…

Le chapitre II concerne le code de la sécurité sociale et applique aux sections des assurances sociales de la chambre disciplinaire les conditions d'exercice des conseillers d'État et des magistrats administratifs qui en assurent la présidence.

Enfin, le chapitre III, qui regroupe les dispositions transitoires et finales, distingue les articles du code de la santé publique issus de la présente ordonnance, qui entrent en vigueur au lendemain de sa publication, de ceux qui entrent en vigueur à compter des prochains renouvellements des conseils.

Je termine par l'ordonnance de mise en cohérence des textes pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé. Cette ordonnance a été voulue par le législateur au moment du vote de la loi pour permettre la mise en cohérence, à droit constant, des dispositions existantes connexes avec les dispositions nouvelles introduites par la loi, et pour supprimer des dispositions devenues obsolètes ou redondantes. C'est une opération synonyme de meilleure lisibilité du droit et de sécurité juridique.

Le délai d'habilitation s'étend jusqu'au 26 janvier 2018. Certaines coordinations utiles et opportunes étant d'ores et déjà disponibles, elles ont fait l'objet d'une première ordonnance. C'est celle-ci que le Gouvernement vous demande de ratifier.

Il y aura d'ici au 26 janvier 2018 une seconde ordonnance de coordination si les débats révèlent des besoins de coordination non satisfaits.

L'ordonnance dont la ratification est demandée contient deux blocs de dispositions.

Le titre Ier – articles 1er, 2, 3 et 4 –, d'abord, modifie les dispositions des codes de la santé publique, de la sécurité sociale, de l'éducation et du code général des impôts, afin de tirer les conséquences de la réintroduction, par la loi, du service public hospitalier. La réaffirmation du service public hospitalier a pour intérêt de donner davantage de lisibilité aux patients dans l'offre hospitalière. Le service public hospitalier a en effet été ouvert à l'ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose non plus sur une liste de missions mais sur des obligations de service public qui s'imposent aux établissements de santé faisant le choix du service public hospitalier.

Parmi ces obligations figurent notamment l'égalité et la permanence de l'accès aux soins ou encore l'accessibilité financière. L'ordonnance précise notamment l'articulation entre les dispositions sur le service public hospitalier et celles relatives à l'activité libérale des praticiens hospitaliers. Elle lève toute ambiguïté sur le fait que la possibilité est maintenue pour ces praticiens de réaliser des dépassements d'honoraires, mais dans des conditions bien précises, et sous réserve que les patients puissent bénéficier d'une alternative sans dépassements d'honoraires. C'était clairement l'intention du législateur.

Le titre II – articles 5, 6, 7 et 8 –, ensuite, procède aux adaptations nécessaires dans des domaines plus divers comme le partage des informations au sein de l'équipe de soins, l'hébergement des données de santé à caractère personnel, la concertation avec les représentants des associations d'usagers, le développement personnel continu des professionnels de santé, la fusion des collèges de médecins spécialistes, la détermination de zones géographiques caractérisées par des offres de soins – soit surdotées, soit sous-dotées –, enfin la fusion des comités consultatifs nationaux des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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