Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du vendredi 12 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Après l'article 24

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Premièrement, pour que les choses soient claires : nous ne nions pas que l'école privée accueille parfois des enfants défavorisés, et je n'ai jamais dit le contraire. J'affirme en revanche, chiffres à l'appui – et vous les connaissez mieux que moi, madame, puisque vous êtes aussi une fine connaisseuse du sujet – , qu'elle en accueille beaucoup moins qu'il y a dix ou quinze ans, tandis qu'elle accueille de plus en plus d'enfants favorisés. Il faut donc observer l'effet système sur la durée, et pas seulement ce qui se passe dans votre belle ville de Lyon, même si vous l'aimez beaucoup. Tel n'est pas le sujet.

Deuxièmement, du point de vue national, se pose une question de fond : comme je l'ai indiqué à l'occasion de la discussion générale sur le projet de loi, il existe un service public qui s'appelle l'éducation nationale, et je trouve paradoxal de financer une concurrence au service public. J'avais pris un exemple : lorsque nous mettons en place des transports en commun ouverts à tous, si quelqu'un choisit de prendre le taxi, ce qui est tout à fait son droit, il n'envoie pas ensuite la facture au ministère des transports pour se faire rembourser car c'est un choix personnel. De mon point de vue, il doit en être de même concernant l'école : l'école privée est un droit qu'il s'agit de défendre, mais elle ne saurait être financée, et même surfinancée, par des fonds publics. D'autant que l'école est un service public très particulier. Une fois de plus, le système s'en trouve déséquilibré.

Je regrette que vous n'entendiez pas cet argument, que j'ai déjà soulevé plusieurs fois : comme mon collègue Pupponi et d'autres l'ont indiqué, les gens choisissent le meilleur pour leurs enfants : s'ils ont des relations, ils obtiennent une dérogation pour les scolariser dans le beau collège public ; s'ils ont un peu d'argent, ils inscrivent leurs enfants dans des écoles privées – même des gens modestes se saignent aux quatre veines pour le faire. Une fois de plus, on assiste ainsi à la fuite de personnes issues de certains milieux sociaux vers le privé, et le service public récupère, si je puis dire, les élèves en difficulté. Pour les enseignants, c'est un problème de fond, un problème structurel. Observez les effets de la loi Carle ! Les chiffres du ministère de l'éducation nationale montrent bien cette polarisation ! Bon sang, j'ignore pourquoi vous refusez d'évoquer les effets de la loi Carle, car il s'agit d'un séparatisme de fond, d'un séparatisme scolaire : les enfants ne vont plus dans les mêmes écoles, ne se fréquentent plus, ne se voient plus, ne jouent plus ensemble, n'apprennent plus ensemble !

Dès lors, vous pouvez toujours demander au mouvement sportif de faire aimer la République, l'hymne national et le drapeau, mais il n'en demeure pas moins que, concrètement, les clubs de sport, les associations culturelles, se structurent par rapport à cette séparation ! Les classes moyennes et les classes supérieures ont des activités qui leur sont propres, tandis que les classes populaires restent ensemble ! C'est ce qui a beaucoup changé. Certes, cela existait déjà dans les années 1950 et 1960, mais le phénomène s'amplifie. Pour réparer cela, il faut mettre un terme à l'« archipellisation » de la France, pour reprendre le mot de sociologues : cela commence par l'école ! Je regrette que vous ne l'entendiez pas, et je continuerai à plaider en ce sens, parce que l'acte de naissance de la République, c'est l'école publique ! Le reste, c'est du baratin ! Affaiblir l'école publique, c'est affaiblir la République !

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