Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du vendredi 12 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

L'article 19 de la loi de 1905, je parle bien de l'oeuvre d'Aristide Briand, prévoit déjà – corrigez-moi si je me trompe, M. le rapporteur général, puisque vous êtes un fin spécialiste – qu'une instance délibérante se réunisse chaque année au moins, pour prendre des décisions. Il dispose que « les actes de gestion [… ] accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation ». Il existe donc déjà un organe censé rendre des comptes à un collectif. Il ne peut pas y avoir une absence totale de transparence. Cette oeuvre a déjà été faite.

Je voudrais d'ailleurs revenir sur vos propos, monsieur le ministre : vous dites avoir échangé vos points de vue avec les représentants de l'Église catholique et leur avoir fait comprendre qu'ils n'étaient pas visés. Il me semble même que vous avez dit leur avoir écrit. J'aimerais savoir comment vous avez pu formuler l'idée que les catholiques n'étaient pas concernés.

Si on légifère pour tout le monde et qu'on impose à tous de s'organiser avec une instance délibérante, comment peut-on dire à un culte en particulier qu'il n'est pas concerné ? Quels sont les termes de votre discussion, même si, de fait, nous avons bien compris que vous l'assumiez politiquement.

C'est d'ailleurs le fil conducteur de notre critique depuis le début : nous légiférons en général mais c'est une religion en particulier qui est visée et qui a servi à étoffer l'ensemble de vos prises de position médiatiques. Vous considérez que les associations cultuelles musulmanes ont un problème parce qu'elles sont mal organisées et qu'il faut les tenir par la main pour y remédier. D'un point de vue idéologique et politique, je le conteste. Je ne dis pas que tout est parfait chez les musulmans ; dans de nombreux endroits il y a des choses très contestables, mais c'est le cas de tous les cultes.

Pour quelles raisons considérez-vous qu'il faudrait se donner des outils supplémentaires alors que l'article 19 de la loi de 1905 permet déjà qu'il soit rendu compte des actes de gestion devant une assemblée délibérante ? Par ailleurs n'importe quelle association de la loi de 1901, et certains de nos concitoyens musulmans sont concernés, doit réunir un bureau avec un président, un secrétaire, un trésorier, et doit rendre des comptes sur son activité à l'assemblée générale de l'activité de ce bureau.

Si cette règle n'est pas respectée, sanctionnons ceux qui y dérogent. Une fois encore, je dénonce le paternalisme qui sous-tend le texte : « Ce sont des braves gens, ces musulmans, mais ils sont mal organisés… » Vous avez même parlé, monsieur le ministre – et je vous l'avais reproché – , d'une OPA des islamistes au sein de l'islam : en d'autres termes, un petit groupe serait en train de prendre le contrôle de cinq millions de personnes. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas vrai ! Même si leurs organisations cultuelles sont perfectibles, les musulmans, dans leur ensemble, ne sont pas sous la pression des islamistes – j'emploie ce terme pour simplifier – et de ceux qui commettent des attentats. Ne produisons pas nous-mêmes une forme de porosité entre les uns et les autres : ce n'est pas rigoureux, et cela affecte la cohésion nationale.

Des millions de personnes de confession musulmane, qui s'indignent après chaque attentat, ont ainsi l'impression que vous les en rendez responsables. Vous semblez leur dire : « Organisez-vous mieux, les gars, car si vous ne le faites pas, des terroristes vont s'introduire parmi vous ! » Tous les spécialistes le disent : ça ne fonctionne pas comme ça. Ils expliquent même, j'ai un peu lu sur le sujet, que ceux qui commettent des attentats sont précisément ceux qui ne fréquentent pas les lieux de culte ; ils les ont quittés parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans cet islam qu'ils trouvent trop mou ; c'est donc par internet que les choses se passent.

Le sujet est très sensible. Attention ! Vous avez peut-être de bonnes intentions – je veux le croire – , mais la manière dont vous procédez donne le sentiment de stigmatiser certains – même si je n'aime pas ce terme : par leur négligence, ils seraient responsables des crimes. Au contraire, il n'y a pas de lien ! Voilà pourquoi je persiste à contester cet article.

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