Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, au cours des dernières semaines, la Commission européenne a cru nécessaire, pour garantir le respect des contrats d'approvisionnement en vaccins signés avec Astra Zeneca, de brandir la menace d'un recours à l'article 16 du protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, qui permet aux signataires de passer outre leurs engagements pour faire face à « de grandes difficultés économiques, sociétales ou environnementales ».
Cette initiative inopportune a, depuis lors, donné lieu à des regrets publics de Mme von der Leyen. Elle n'en a pas moins suscité une inquiétude légitime devant le risque de remise en cause d'un principe de liberté des échanges sur le territoire irlandais, qui avait été affirmé dans le triple but de préserver les accords de paix du Vendredi saint, d'éviter la ghettoïsation économique de la République d'Irlande et de paver la voie à une éventuelle réunification politique de la nation irlandaise. Comme il était prévisible, l'évocation intempestive de ce recours à l'article 16 n'en a pas moins été abusivement exploitée par Belfast et Londres pour dénoncer à la fois le calendrier d'application, la rigueur prétendument excessive des dispositions, et même la légitimité de principe de ce protocole.
N'est-il pas cependant nécessaire, au moment où retombe la poussière du tumulte des dernières semaines, de rappeler la détermination de l'Union européenne et de la France à tenir ensemble les deux bouts de la chaîne que sont, d'un côté, le respect scrupuleux de l'unité économique et commerciale du territoire irlandais et, de l'autre, la validité d'un protocole destiné à prévenir la création d'une large zone de non-contrôle, donc de non-droit, dans les échanges de biens entre l'Union européenne et son ancien partenaire ? Les épisodes que nous venons de vivre ne sauraient justifier un renoncement aux engagements pris.