Chacun s'accorde sur le fait qu'au regard de la situation sanitaire que nous traversons, il n'était pas envisageable de tenir les scrutins des élections départementales et régionales en mars. Chacun s'accorde aussi sur le fait que le calendrier renvoyant ces élections au mois de juin semble être la solution la plus raisonnable pour concilier impératif démocratique et impératif sanitaire.
Si certains avaient imaginé repousser ce rendez-vous démocratique au-delà de l'élection présidentielle – ce sont probablement ceux qui ont présenté un amendement sorti de je ne sais où pour proposer un vote par anticipation à la présidentielle – , il est heureux que cette position n'ait pas tenu longtemps. L'arbitre Jean-Louis Debré a rapidement fait la démonstration qu'un tel report aurait constitué une atteinte dangereuse à la démocratie, qui l'aurait placée pour une longue durée en chambre de confinement.
Saluons au passage la capacité de Jean-Louis Debré à tenir le cap contre vents et marées : dans son rapport, le sage n'a pas cédé aux pressions de l'Élysée ou de je ne sais qui. Il n'a pas cédé à la tentation de reporter l'échéance au « jour d'après » la présidentielle, comme le désirait le Président de la République, désireux d'échapper à la claque électorale que je vous ai promise en première lecture.
En démocratie, il vient un moment où l'état d'urgence sanitaire s'arrête, où le peuple retrouve pleinement ses droits, y compris dans une période d'épidémie comme celle que nous traversons. S'il ne faut pas désespérer l'économie en période de covid-19, il ne faut surtout pas désespérer la démocratie et la culture, c'est-à-dire tout ce qui est essentiel au-delà des apparences libérales.
Depuis près d'un an, nous avons dénoncé à maintes reprises la mise sous cloche du Parlement et la réduction des prérogatives des parlementaires que nous sommes. Tous les outils ont été bons pour confiner la parole politique et le débat démocratique – ordonnance, régime d'état d'urgence sanitaire – et cela n'a pas été efficace. Nous sommes donc pleinement satisfaits du texte adopté par la commission mixte paritaire, qui réaffirme que la démocratie ne peut rester au grenier plus longtemps. Ajoutons qu'il n'est pas non plus nécessaire de laisser plus longtemps au Président de la République l'exercice solitaire du pouvoir.
Le peuple va donc pouvoir voter. Dans nos territoires, beaucoup sont pressés de le faire pour vous faire passer divers messages dans les urnes. Ils veulent vous dire, par exemple, que la mauvaise réforme des retraites, que nous avons repoussée par la porte, n'a pas vocation à revenir par la fenêtre ou par l'arrière-cour.
À vous et aux majorités régionales qui appliquent sous une autre étiquette les mêmes politiques – libérales, technocratiques et verticales, éloignées de la vraie vie des Français – , ils veulent dire notre désir d'autre chose.
Nous voulons une république et des régions qui prennent soin des besoins de santé des populations et de l'hôpital, qui ne se détournent pas du monde rural, des petites communes et des villes moyennes pour tout concentrer – services publics, industries et offres de formation – dans les métropoles.
Nous voulons une république et des régions qui n'oublient pas celles et ceux qui habitent aux marches du royaume, loin des métropoles, loin des yeux, mais qui pensent à celles et ceux qui habitent des deux côtés du fleuve, en amont et en aval.
Nous voulons qu'elles n'oublient pas, dans leurs plans sur le transport ferroviaire, les lignes de vie qui irriguent les territoires, loin des grands axes. Pensant à ma Normandie et à l'avenir de cette pêche qui fait la sève de notre littoral, je veux aussi qu'elles n'oublient pas de soutenir les liaisons transmanche.
Nous voulons qu'elles n'oublient pas de penser la région comme un territoire à aménager partout et pour tous, et non pas seulement comme une collectivité guichet qui distribue l'argent de l'Europe, se prend pour un État qu'elle n'est pas et négocie un contrat de plan en pleine campagne pour les régionales, avant même que le scrutin ne se déroule.
Nous voulons qu'elles n'oublient pas de réparer l'ascenseur abîmé de l'école de la République, en investissant massivement dans les lycées et la formation supérieure, alors que nos universités tombent en lambeaux et que la jeune génération est sacrifiée et a besoin que l'on soit à ses côtés, à son chevet.