Le texte dont nous discutons est celui adopté par la commission mixte paritaire, qui est convenue de reporter les élections régionales et départementales de mars à juin prochain. Nos collègues sénateurs ont accepté ce report de trois mois à la condition qu'il n'y en ait pas de nouveau ; c'était aussi la position des députés du groupe Socialistes et apparentés. Contre l'avis initial du Gouvernement, le Sénat avait adopté un amendement aux termes duquel le second tour aurait lieu au plus tard le 20 juin, et nous nous félicitons que les dates du 13 et 20 juin prochain aient été retenues par le Gouvernement.
Derrière la date limite à laquelle les élections locales auront lieu, se profile une autre question, plus globale. Tout le monde a compris que l'urgence dans laquelle nous nous étions retrouvés en mars 2020 – il s'est produit un événement soudain qui a menacé des vies – a nécessité des mesures exceptionnelles, amenant à la suspension de certaines libertés individuelles et collectives, et de certains principes qui caractérisent notre pays. Mais, comme cela a été souligné, l'urgence est par définition temporaire et ne saurait durer. Vient un moment où l'on ne peut plus prolonger les mesures d'urgence initiales : celles-ci ne peuvent pas demeurer ce qu'elles ont été au moment de l'événement et doivent évoluer.
Nous avons pour obligation de prévoir et de contrôler et, entre-temps, de valider ce qui a été prévu. Nous avons à inventer une démocratie de mauvais temps sanitaire, en recherchant l'équilibre entre les impératifs de santé publique et les autres urgences, entre autres l'urgence démocratique qu'incarnent si bien les élections départementales et régionales. Nous ne pouvons pas laisser la pandémie décider pour les Françaises et les Français ; nous ne pouvons pas laisser la démocratie dépendre des aléas d'une crise avec laquelle nous allons devoir vivre, peut-être, longtemps.
Dans notre pays, la source du pouvoir est le suffrage universel, qui doit être consulté de façon régulière. Nous devons tenir bon sur l'échéance du mois de juin, ce qui suppose des précautions sanitaires très strictes. Des garanties supplémentaires ont été apportées par voie d'amendement : ce sera à l'État de fournir des équipements de protection – masques, visières ou parois en plexiglas – aux communes, comme pour le second tour des dernières élections municipales.
Ce report des élections départementales et régionales sera aussi mis à profit pour organiser une campagne officielle radiotélévisée et pour faciliter l'établissement de procurations pour les personnes malades ou vulnérables. Chaque électeur pourra disposer de deux procurations, contre une seule aujourd'hui. Il pourra ainsi voter au nom de deux personnes fragiles ou empêchées, ce qui leur évitera d'avoir à se déplacer jusqu'au bureau de vote. Ce délai permettra également de travailler à convaincre nos concitoyens de l'importance de ce scrutin pour la vie de tous les jours : les départements ont des responsabilités en matière d'action sociale, les régions sont compétentes dans le domaine des transports et de l'économie, les premiers et les secondes gèrent respectivement les collèges et les lycées. C'est l'occasion de montrer que la démocratie s'exerce dans la proximité et que nos élus départementaux et régionaux remplissent une mission importante, déterminante pour toutes et tous.