Un sur deux : c'est le nombre de patients qui, quatre semaines après le début de la maladie, présentent encore au moins un des symptômes initiaux de la covid-19. À terme, ce sont donc plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens qui seraient concernés. La proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui met en lumière cette situation que l'on résume désormais communément sous l'appellation de covid long.
Plusieurs semaines après la phase aiguë de la covid-19, des victimes de l'épidémie conservent des signes et des symptômes qui ne peuvent pas être expliqués par un autre diagnostic. Dans certaines situations, les complications, notamment pulmonaires ou neurologiques, se prolongent plusieurs semaines après le passage en réanimation. Parfois, ce sont des signes et des symptômes généraux qui persistent, le plus souvent chez des patients non hospitalisés : forte fatigue, essoufflements, palpitations, troubles de l'odorat et du goût, symptômes cutanés… Ces situations engendrent une forte inquiétude face à laquelle les patients comme les professionnels de santé peuvent se sentir démunis.
Nous devons le reconnaître ensemble : en France comme ailleurs, en l'état actuel des connaissances scientifiques, le covid long nous invite à la plus grande humilité face à une situation que l'on ne peut expliquer totalement. Il y a aujourd'hui autant de singularités et de situations différentes qu'il y a de cas de covid long. Telle une photo en clair-obscur, le covid long s'accompagne d'un grand nombre de zones d'ombre, qui peuvent déboussoler et inquiéter aussi bien les victimes que les cliniciens. Face à cette situation, le Gouvernement apporte une triple réponse que nous devons amplifier.
Il faut tout d'abord continuer à mieux identifier les patients concernés, les accompagner physiquement et moralement. Vous le soulignez à juste titre dans votre proposition de résolution : il est, à ce stade, difficile de repérer les victimes concernées par le covid long, et donc de les accompagner. Comme l'a rappelé M. Michel Zumkeller tout à l'heure, le Gouvernement a sollicité la HAS qui a identifié les trois critères permettant de caractériser une situation de covid long : avoir développé une forme initiale symptomatique de covid et conserver des symptômes plus de quatre semaines après, sans qu'aucun autre diagnostic ne soit capable de les expliquer.
Une identification plus rapide des situations de covid long doit permettre de répondre aux interrogations et aux inquiétudes des patients, et de les rassurer quant au caractère temporaire et réversible de leur situation. Au-delà des compétences scientifiques, je sais pouvoir compter sur l'écoute et l'engagement des professionnels de santé pour traverser au mieux cet océan d'incertitudes.
L'identification peut également s'accompagner d'une reconnaissance de l'origine professionnelle de ces symptômes et d'une indemnisation, dans le cadre de la procédure mise en place par le Gouvernement en septembre 2020. Outre la procédure de reconnaissance automatique, nous avons créé un comité dédié qui prend en compte l'ensemble des symptômes, respiratoires ou non. Comme vous nous y invitez dans votre proposition, le Gouvernement est prêt à examiner l'évolution de son dispositif et des recommandations associées si les connaissances scientifiques le rendaient nécessaire.
La deuxième priorité, c'est de parvenir à une prise en charge individualisée qui s'adapte aux spécificités du covid long. Les témoignages à la tribune de Mmes Patricia Mirallès et Sylvia Pinel, comme ceux de nombre de nos concitoyens, évoquent ce besoin.
Une fois le cas de covid long diagnostiqué, il revient aux médecins de proposer un projet de soins personnalisé et d'organiser le suivi attentionné de chaque patient. Pour ce faire, chacun peut s'appuyer sur les fiches détaillées que la HAS vient de publier le 12 février dernier, qui répondent aux dix symptômes ou groupes de symptômes le plus fréquemment retrouvés. Ces fiches représentent un outil précieux pour optimiser la prise en charge des patients. À titre d'exemple, pour les troubles du goût et de l'odorat, outre des lavages de nez au sérum physiologique, la HAS recommande une mise en route précoce d'une rééducation olfactive, et en l'absence d'amélioration après deux mois de traitement, une orientation du patient vers un spécialiste ORL. Il est prévu d'actualiser et de préciser ces recommandations au rythme de l'avancée des connaissances. La HAS et le Haut Conseil de la santé publique sont engagés dans ce travail.
Au-delà de cet accompagnement médical, je rappelle que les patients jouent un rôle clé dans le succès de leur prise en charge, notamment par une bonne hygiène de vie. En l'absence d'amélioration malgré un traitement bien mené et un effort du patient, il revient ensuite au praticien de premier recours d'orienter les malades vers les spécialistes concernés.
Notre troisième priorité, c'est la recherche qui fera émerger les réponses attendues. Le Gouvernement a déployé une task force qui rassemble les directions d'administration centrale compétentes et des référents cliniciens. Un représentant de France Assos Santé y siège désormais, permettant de compléter l'état des lieux et les points prioritaires de la recherche. Parallèlement à notre organisation sanitaire, la recherche s'organise aujourd'hui en une action nationale coordonnée, structurée au sein de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – ANRS. Cette action, pilotée par les docteurs Henri Partouche et Olivier Robineau, assure le suivi des cohortes post-covid afin d'appréhender l'incidence et les caractéristiques des symptômes persistants sur la durée.
Au-delà de ces actions, nous examinons les nouveaux projets de recherche conçus par les professionnels pour enrichir nos connaissances, comme votre proposition de résolution nous y invite, madame la députée. Une vaste cohorte ambulatoire, implantée grâce à un réseau national de médecins généralistes, est en cours de montage et devrait être soumise d'ici à la fin du mois au conseil scientifique de la nouvelle agence « ANRS maladies infectieuses émergentes », issue de la fusion de l'ANR et du consortium REACTing – RESearch and ACTion targeting emerging infectious diseases. Pourront notamment s'y greffer des projets d'intervention thérapeutique.
La proposition de résolution que vous défendez s'inscrit directement dans cette démarche et doit nous inviter à maintenir notre plein engagement en faveur de l'accompagnement des patients. Cet engagement est évidemment d'abord celui des professionnels de santé, en milieu hospitalier comme en ambulatoire, et des chercheurs, que je salue depuis cette tribune, comme j'ai entendu de nombreux intervenants le faire avant moi. Mais il est aussi celui des patients qui se battent au quotidien pour surmonter leurs symptômes et poursuivre leur rééducation.
C'est donc avec force que le Gouvernement soutient cette proposition de résolution défendue par l'ensemble des députés des groupes La République en marche, Dem et Agir ensemble. Je tiens évidemment à remercier plus particulièrement M. Julien Borowczyk et Mme Patricia Mirallès pour leur engagement non seulement politique, mais aussi personnel, dans ce combat. Nous pourrons progresser ensemble pour répondre à cette priorité née durant l'épidémie.
Au-delà de la majorité, je crois pouvoir compter sur l'engagement unanime des députés siégeant sur ces bancs. Je crois d'ailleurs que tous les intervenants ont indiqué vouloir voter en faveur de la proposition de résolution. Le dépôt, par Bernard Perrut et plusieurs de ses collègues, d'une autre proposition de résolution portant sur le même thème témoigne d'ailleurs, je le crois, de votre intérêt en la matière.