Ne tournons pas autour du pot et disons-le immédiatement : notre avis diverge de celui de nos collègues socialistes s'agissant des détails et modalités de l'aide individuelle à l'émancipation. Mais cette proposition de loi nous donne l'occasion d'adresser ensemble, depuis cette assemblée, un énième message d'alerte au Président de la République et au Gouvernement : maintenant, dépêchez-vous !
Dépêchez-vous d'étendre le RSA aux jeunes de moins de 25 ans, car l'heure n'est plus aux tergiversations. Le RSA n'est certes pas la panacée – personne ne dira le contraire – , mais ce n'est même plus le sujet : il y a urgence absolue à endiguer la pauvreté dans laquelle s'enfonce chaque jour un peu plus la jeunesse de notre pays.
C'est une véritable honte pour la France que de voir ces files d'attente interminables d'étudiants devant les banques alimentaires. Pendant ce temps, que fait le Gouvernement ? Il allume un contre-feu absurde et ridicule en demandant au CNRS – Centre national de la recherche scientifique – d'assurer une police politique à l'université contre ce qu'il appelle l'islamo-gauchisme, terme que personne ne saurait définir autrement que comme un slogan politique de l'extrême droite pour discréditer ses adversaires.
Pour nous, c'est clair : en choisissant le pas de deux avec Marine Le Pen, le Gouvernement veut surtout éviter les sujets que nous abordons ce matin. On compte 10 millions de pauvres en France, 300 000 sans-abri, 2 millions de personnes ayant recours à l'aide alimentaire, dont la moitié depuis un an. Dans le même temps, ce qui n'est pas sans lien, les milliardaires de notre pays ont amassé 175 milliards d'euros supplémentaires : sept personnes possèdent autant que 30 % de la population !
Oui, il y a dans ce pays des assistés, des tricheurs et des voleurs ! Ce sont les riches qui se gavent au milieu d'un océan de pauvreté, ceux qui, chaque année, fuient l'impôt et s'en vont planquer 100 milliards d'euros qu'ils ont pillés, volés à la patrie dans l'indifférence la plus totale pour les défis que nous avons pourtant à affronter collectivement.
Oui, c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches : cela doit être dit. Et c'est sans doute aussi pour mieux occulter cette réalité que d'aucuns préfèrent saturer l'hémicycle et les antennes médiatiques de débats sordides stigmatisant les musulmans. Pourvu que les pauvres se battent entre eux sur la religion ou la couleur de peau, plutôt que de viser les responsables de leurs malheurs quotidiens.
Collègues socialistes, vous proposez de remplacer le RSA et la prime d'activité par un revenu de base de 564 euros, qui diminuerait en fonction des revenus d'activité. Or nous sommes opposés à ce que l'État prenne en charge une partie du revenu qui devrait être versé par les entreprises. Car finalement, c'est l'idée d'un revenu de base dégressif que vous défendez : l'État compenserait le salaire versé par l'employeur, car il serait trop bas. Votre proposition risquerait donc de créer une pression à la baisse de la progression des salaires. Surtout, le revenu de base maintient une part de la population dans une grande précarité.
Ce que la France insoumise vous propose, elle, c'est d'éradiquer la pauvreté en relevant les minima sociaux : personne, en France, ne devrait vivre sous le seuil de pauvreté. Or vaincre la pauvreté nécessite le partage des richesses produites : pour cela, nous devons remplacer les cinq tranches marginales d'imposition sur le revenu par quatorze nouvelles tranches, qui permettront de lisser l'effort, et que chacun paie à juste proportion de ses revenus. Celles et ceux gagnant moins de 4 000 euros par mois paieraient ainsi moins d'impôts.
Il faut aussi un impôt universel, pour faire payer, depuis là où ils sont, ceux qui fuient l'impôt ici.
Enfin, à l'heure de débats toujours nécessaires et intéressants sur l'instauration d'un revenu universel – dont il existe autant de versions que de personnes le proposant – je veux pointer ici une divergence de diagnostic : non, le travail ne manque pas. Il y a tant de tâches à accomplir, tant de travail humain nécessaire, notamment pour procéder à la bifurcation écologique. Ce dont nous manquons, ce n'est pas de travail, mais d'emplois.