À sa demande, je remplace Mme Michèle Victory, votre collègue de la commission des affaires culturelles et de l'éducation ; ces propos sont donc d'abord les siens.
Depuis de longs mois, la crise sanitaire n'épargne personne ; les effets de l'épidémie de covid-19 sont nombreux et nous ne pouvons que constater le mal-être qui s'empare de notre jeunesse. Celle-ci montre pourtant sa capacité à se mobiliser individuellement ou collectivement ; elle montre chaque jour qu'elle n'est pas abattue, qu'elle propose, qu'elle prend des initiatives, qu'elle est solidaire. Nous avons une promesse à tenir envers elle. Or, pour des milliers de jeunes, la crise a été le révélateur de situations préoccupantes ou les a aggravées. Le taux de pauvreté des moins de 25 ans est trois fois supérieur à celui des plus de 60 ans ; 16 % d'entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté, dans un des pays les plus développés du monde.
Nous le savons, derrière le vocable « jeunesse » se cachent bien des situations économiques inquiétantes. Des jeunes ont perdu leur emploi ; certains le cumulaient avec leurs études ; d'autres venaient de démarrer dans la vie active. La solidarité familiale, si elle continue de jouer largement, dans huit cas sur dix, est évidemment très inégale, pénalisant une nouvelle fois les jeunes de milieux défavorisés. Je pense aussi aux jeunes parents désarmés, aux jeunes sortis d'un système scolaire dans lequel ils n'ont pas trouvé leur place, aux adultes en devenir marginalisés, aux étudiants décrocheurs.
Les effets de la crise sur les jeunes sont divers. Elle touche leur santé – le pourcentage des jeunes inquiets pour leur santé mentale ne cesse d'augmenter, tout comme le renoncement aux soins faute de moyens. Leurs finances sont de plus en plus affectées, alors que leur situation était déjà fragile, puisque 50 % des personnes pauvres ont moins de 30 ans. La crise fait aussi perdre le lien social et suscite l'angoisse d'un avenir troublé.
La réponse de notre assemblée doit être à la hauteur de cette situation inédite, en permettant de faire face à l'urgence matérielle. Nous ne pouvons pas rester spectateurs des images quotidiennes de ces files d'attente s'allongeant de centaines de jeunes devant les banques alimentaires ou Les Restos du coeur.
Nous avons présenté plusieurs propositions dernièrement, notamment celle de l'ouverture du RSA aux 18-25 ans, défendue dans cet hémicycle par mes collègues Vallaud et Saulignac le 18 février dernier. Il ne s'agit pas, contrairement aux caricatures qui ont été faites, d'instaurer des dispositifs d'assistanat, mais au contraire, de proposer une émancipation solidaire. Vingt-trois des vingt-sept pays membres de l'Union européenne disposent déjà d'un minimum jeunesse, et cela doit nous faire réfléchir. En France, le choix de la familialisation des aides, qu'il semble impossible de remettre en question, laisse dans la précarité et la dépendance à l'égard de leur famille des millions de nos concitoyens, qui doivent attendre 25 ans pour bénéficier de l'aide de l'État. Une expérimentation pourrait au moins être tentée. Précisons qu'aucun jeune ne choisit de s'installer dans la précarité ; les jeunes ont en réalité besoin de pouvoir rebondir et faire des expériences. Partout ailleurs, une telle allocation, n'a eu que des effets positifs.
La culture nous manque à tous comme elle manque à la jeunesse. Les librairies ont désormais le statut de commerce essentiel, et c'est bien ainsi. Les musées et les théâtres ne pourraient-ils pas eux aussi être ouverts, et à la jeunesse d'abord ?
J'en viens au sport, dont l'exercice, encadré de manière tatillonne en ce moment, est impossible avec le couvre-feu, lorsque les jeunes travaillent. Ne peut-on laisser souffler un vent de liberté, d'exception, pour les sports de plein air ?
Certes, la jeunesse n'est pas dans la rue, mais le caractère exceptionnel du repli qui l'affecte nous oblige à une attention de tous les instants. Nous devons partir de la jeunesse pour construire la transition avec le monde d'après le covid, plutôt que d'en faire un acteur quelconque qu'il faudrait contraindre.