Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Débat consacré à l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

En aucun cas nous ne pouvons tolérer la création d'un Singapour-sur-Tamise à trente kilomètres de nos côtes avec, qui plus est, un accès quasi illimité à nos marchés. Brexit means Brexit, Brexit signifie Brexit dans les deux sens.

Monsieur le ministre, chers collègues, personne ne croyait au Brexit ; or, désormais, le Royaume-Uni n'est plus membre de l'Union européenne. Je lance un avertissement solennel : les causes structurelles du Brexit n'ont pas disparu, bien au contraire, elles ont même été renforcées par la crise sanitaire. Dans la course aux vaccins, le Royaume-Uni a su faire mieux que l'Union européenne. Ainsi, plus de 20 millions de Britanniques ont reçu une première dose, contre 3 millions de Français. Cette différence enfonce un coin dans l'affirmation selon laquelle à plusieurs nous serions forcément et tout le temps plus efficaces que seuls. Incapable de vacciner aussi vite que le Royaume-Uni, l'Union européenne a également échoué à fournir aux pays de l'ancien bloc communiste non-membres de l'Union les doses de vaccin nécessaires, jetant ces pays dans les bras des Russes et des Chinois. C'est aussi une défaite géostratégique.

Une autre cause du Brexit n'a toujours pas été traitée comme il se doit : il s'agit de la question migratoire. Le futur pacte sur la migration et l'asile ne permettra pas de résoudre la crise existentielle qui traverse nos populations, car il ne répond pas à la seule question que se posent les Européens : pouvons-nous réellement choisir qui a le droit de se maintenir et de s'intégrer dans nos pays ? L'Union européenne, si elle veut être comprise, doit être claire sur ses valeurs et sur ses principes. Cela passe aussi par une plus grande solidarité entre pays et l'obligation d'observer les mêmes règles du jeu. Cela n'est pas le cas aujourd'hui avec le dumping fiscal et social organisé par différents États membres. Cela sera encore moins le cas demain, en raison des rabais importants sur leur contribution au budget de l'Union, que la France a accepté d'accorder à ces mêmes pays afin d'obtenir une victoire politique au Président Macron sur le plan de relance. Cette victoire à court terme instille le poison de la discorde future.

Enfin le double discours du Gouvernement sur des sujets aussi sensibles que les accords commerciaux ou l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne sème les graines de la division. Comment le Président Macron peut-il affirmer en décembre son opposition à l'accord de libre-échange avec le Marché commun du Sud, le MERCOSUR, tout en autorisant en janvier ses ministres à continuer les négociations ? Comment accepter que le Gouvernement refuse depuis juillet 2019 d'inscrire l'Accord économique et commercial global, le CETA, à l'ordre du jour du Sénat, tout en approuvant sa large application partielle ? Comment enfin tolérer l'entrisme de la Turquie en France et les insultes turques à la France et le fait que, en même temps, notre pays ne mette pas un véto définitif au processus d'adhésion de la Turquie, faisant même du pays d'Erdogan le second bénéficiaire de notre aide publique au développement ?

Monsieur le ministre, la responsabilité du Gouvernement est simple mais effrayante : faire en sorte que le Brexit ne reste qu'une péripétie exceptionnelle et non pas le commencement d'un délitement plus vaste.

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