Le sujet des enfants sans identité est fondamental et nous remercions le groupe Socialistes et apparentés d'avoir mis cette question à l'ordre du jour. Cette initiative s'inscrit dans la droite ligne de la proposition du président Bourlanges de faire vivre les rapports au-delà des débats en commission. Je partage donc la satisfaction de mon collègue Jean-Paul Lecoq, qui suit attentivement ce sujet, de voir que Mmes Dumont et Kuric ont saisi cette occasion pour faire avancer ce sujet ô combien important.
Avec près de 166 millions d'enfants dans le monde qui ne sont pas enregistrés et 237 millions d'enfants qui ne disposent pas d'un acte de naissance, ce phénomène est redoutable. Du côté des enfants, l'absence d'enregistrement juridique les empêche tout au long de leur vie d'accéder aux droits et aux services de base que sont les droits civiques, la santé, l'éducation, le vote, voire l'accès à certains concours ou examens comme le permis de conduire.
Du côté de l'État, sans état civil crédible, il est impossible de planifier, de financer des politiques publiques fiables, ce qui rend par extension difficile la mise en place d'un cadastre et donc l'établissement d'impôts.
Le problème se pose souvent dans les États qui ont du mal à établir leur souveraineté et leur autorité sur leur propre territoire et qui cumulent toutes les difficultés : PIB faible, indice de développement humain dégradé, santé et éducation en difficulté, corruption, voire développement de rébellions, etc.
Il s'agit même d'un cercle vicieux : dans ces situations, l'État se retrouve dans l'incapacité de mettre en place des politiques publiques cohérentes, d'instaurer un système de perception des impôts correct, de soigner, d'éduquer tous ses citoyens et de mettre en place un système d'état civil. On peut d'ailleurs constater que ces pays sont très souvent ceux qui ont souffert à un moment ou à un autre de la mondialisation et de la présence très forte du Fonds monétaire international, qui a démantelé un grand nombre de services publics et affaibli nombre d'États, notamment du continent africain, dans les années 1980. Puisque le FMI ou la Banque mondiale ont affaibli les États par leurs sinistres plans d'ajustement structurel, il ne serait pas illégitime que ces institutions soient aujourd'hui mises à contribution pour financer des initiatives visant à améliorer ce droit qui est, comme vous l'avez dit, le premier de tous les droits.
Mais il ne faut pas oublier que la France souffre aussi de ce fléau, notamment en Guyane et à Mayotte, où des enfants sans identité sont laissés sans aide suite à la reconduite de leurs parents aux Comores. L'État doit résoudre au plus vite ce problème indigne de la sixième puissance économique mondiale. En France et ailleurs, l'urgence est là et il faut intervenir à la source pour la tarir.
Sur ce point, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine appuient toutes vos recommandations, au premier rang desquelles les nos 8 et 9 sur l'importance de renforcer les actions de coopération décentralisée pour encourager nos collectivités locales qui ont des partenariats avec d'autres collectivités à insister sur ces sujets, car c'est au plus proche des populations et au plus près des réalités que les choses peuvent évoluer au plus vite. Mon collègue Jean-Paul Lecoq avait d'ailleurs insisté sur l'importance du rôle de la coopération entre collectivités locales à l'occasion des débats sur la loi relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales – c'est l'occasion de le rappeler ici.
Les collectivités locales sont en effet les rouages de l'application des objectifs de développement durable, et l'application de l'objectif 16. 9, qui consiste à garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l'enregistrement des naissances d'ici à 2030, doit être soutenue au maximum. Pour que toutes ces avancées soient réelles, il faut aller du local au global – et le global, à l'échelle de la France, consiste à impliquer au maximum notre diplomatie pour insister sur ce sujet dans toutes les institutions internationales idoines, voire intégrer cet objectif dans certains de nos traités bilatéraux.
Enfin, la France, qui s'est engagée pour une diplomatie féministe, ne peut passer sous silence le fait que ce sont les femmes qui souffrent le plus de ces problèmes, que les petites filles en sont les premières victimes. Cette dimension genrée est un argument de plus, un argument de poids, en faveur d'une action forte et déterminée. Cela constituera une preuve tangible de l'engagement de la France dans une diplomatie féministe et témoignera de sa mobilisation sur des sujets qui, s'ils ne sont pas forcément très connus, n'en sont pas moins fondamentaux pour des millions de personnes.