Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du jeudi 4 mars 2021 à 9h00
Politiques de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

La politique de la France au Sahel est à la croisée d'un grand nombre d'enjeux régionaux, et a des répercussions globales. Les premiers concernés sont les quelque 100 millions d'habitants vivant dans les cinq pays du G5 Sahel, qui sont directement confrontés à la recrudescence du terrorisme, aux enjeux démographiques et aux effets du changement climatique. Face à ces périls, la France a fait le choix – qui l'honore – de répondre en intervenant politiquement, militairement et en favorisant le développement. Le groupe Libertés et territoires partage cette stratégie qui nous semble complète. Ce débat me donne l'occasion de saluer, une fois encore, l'engagement exceptionnel de nos militaires, qui force l'admiration, et de rendre hommage aux cinquante-cinq soldats disparus pour la paix. J'ai aussi une pensée pour les trop nombreuses victimes civiles.

Engagée en 2013 avec l'opération Serval, l'intervention militaire française dans la région du Sahel perdure aujourd'hui avec l'opération Barkhane. Le nombre de militaires mobilisés sur le terrain a fortement augmenté, passant de 3 000 à 5 100. Notre groupe salue les avancées permises par cette opération – je pense notamment à la désorganisation des groupes terroristes grâce à la neutralisation de nombreux chefs djihadistes. Nos troupes frappent au coeur de ces organisations, ce qui a permis de repousser l'État islamique au Grand Sahara dans une zone à cheval entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

La stratégie sahélienne de la France vise aussi à accompagner ces États, pour qu'ils assurent leur sécurité de façon autonome. Les forces maliennes ont ainsi gagné en maîtrise et, comme nous le rappelait le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, en commission de la défense, on observe au Mali, dans certains endroits, un début de retour d'autorités civiles comme les gouverneurs, les maires et les autorités de police. Nous pouvons nous en féliciter, même si le chemin à parcourir reste long.

Cependant, la France demeure bien seule en première ligne, malgré le soutien des armées du G5 Sahel et l'appui logistique des États-Unis. Rappelons que nous sommes le pays d'Europe qui envoie le plus de soldats – 5 100. La force Takuba devait matérialiser l'engagement de l'Europe à nos côtés, mais seulement trois voisins européens l'ont jusqu'ici intégrée : la République tchèque, l'Estonie et la Suède. Madame la ministre, monsieur le ministre, qu'en est-il de l'engagement des autres partenaires ? L'objectif était de 2 000 soldats supplémentaires : disposez-vous d'un calendrier précis ?

Par ailleurs, les spécialistes identifient une nouvelle forme d'ennemi. Il serait aujourd'hui difficile de distinguer ce qui relève du terrorisme et ce qui relève de l'insurrection locale. L'IRIS – Institut des relations internationales et stratégiques – semble partager cette position : les types d'acteurs sont multiples, conflits intercommunautaires, djihadistes et combats des milices d'autodéfense se mêlant souvent.

Au regard de ces éléments, la solution pour mettre fin à l'instabilité, qui dure depuis huit ans, ne peut être uniquement militaire. Au sommet de Pau, en janvier 2020, le président Emmanuel Macron et ses homologues du G5 Sahel avaient d'ailleurs publiquement constaté que l'opération Barkhane ne parvenait plus à contenir efficacement la menace djihadiste. Même si le renfort temporaire de 600 soldats français a amélioré la situation, nous faisons face à une forme d'enlisement de la politique française au Sahel. Certains demandent donc s'il faut retirer nos troupes. À rebours, notre groupe considère que la réponse donnée doit consolider les acquis de Barkhane et non les sacrifier.

Cela étant, il est aujourd'hui essentiel d'apporter une réponse politique. En effet, au-delà de l'effort militaire, c'est le retour de l'État, des administrations et des services aux populations ainsi que la consolidation de l'État de droit et de la bonne gouvernance qui garantiront une paix durable et répondront aux besoins des populations. Voilà donc les priorités que nous devons fixer pour stabiliser la région : le développement économique et, par conséquent, celui de l'aide publique au développement constituent la clé pour mettre fin à l'instabilité locale. Amplifions nos efforts dans tous ces domaines !

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