Si nous leur interdisons toute activité commune, si nous renonçons à tout programme de prise en charge collective, cela signifie que ces quartiers spécifiques deviennent peu ou prou des quartiers d'isolement. Nous ne nous interdisons pas de recourir à l'isolement pour les détenus considérés comme les plus dangereux. C'est pour ceux qui se situent dans le milieu du spectre et qui sont en détention ordinaire que nous cherchons à monter en charge en matière de structures dédiées.
Ce n'est pas facile. Il faut identifier des établissements qui présentent le niveau de sûreté suffisant, ce qui réduit déjà considérablement l'éventail des possibilités. Ces établissements doivent être suffisamment dotés en personnel pour qu'il n'y ait pas besoin de procéder à des recrutements à un moment où l'administration pénitentiaire rencontre de sérieuses difficultés dans ce domaine. Il faut aussi veiller à leur taux de surpopulation. Nous avons été contraints de charger la barque des établissements franciliens, au motif que les TIS sont essentiellement des prévenus dont le dossier est traité par la section antiterroriste du parquet de Paris (C1). Quelque 70 % des TIS se trouvent dans la dizaine d'établissements franciliens. C'est un enjeu important pour nous, en termes de gestion de la détention : nous nous efforçons de répartir la charge entre les 78 établissements précités.
Pour résumer, nous ciblons des établissements qui offrent le bon niveau de sûreté, un taux de couverture suffisant, des personnels assez nombreux dont certains ont reçu une formation complémentaire. De manière implicite, cela nous conduit à privilégier des maisons centrales, comme le QMC Lille-Annoeullin, dont il faudra faire évoluer le régime juridique. Dans ces établissements, le taux d'occupation est très largement inférieur à 100 % et les personnels sont formés à s'occuper de détenus ayant de « gros profils » comme ceux-là.
Les détenus radicalisés mais placés en détention ordinaire sont l'une des cibles privilégiées du renseignement pénitentiaire qui a ses finalités propres. Il doit veiller au bon ordre, prévenir les évasions et lutter contre la criminalité organisée. À ces finalités traditionnelles, s'ajoute désormais le suivi des détenus radicalisés.
Nous avons beaucoup progressé dans la prise en charge à la sortie, destinée à éviter une rupture dans le suivi de ces détenus repérés comme radicalisés. Nombre d'entre eux étant incarcérés pour des infractions de droit commun, ils sortent beaucoup plus tôt que les TIS. Il en sort quasiment toutes les semaines. Il faut s'assurer de leur prise en charge par les services partenaires : la direction générale de la sécurité intérieure pour les plus dangereux et le renseignement territorial pour les autres. Nous avons fait beaucoup de progrès dans ce domaine, notamment à travers les groupes d'évaluation départementaux. Toutes ces situations sont discutées et, sur un plan opérationnel, nous assurons la transmission aux services partenaires de l'intégralité des informations dont dispose le renseignement pénitentiaire sur ces détenus radicalisés : comportement en détention, fréquentations, connexions.
Nous devons faire des progrès en amont, sur la qualité des informations que nous transmettent ces services partenaires au moment où nous accueillons ces personnes en détention. Elles arrivent en général avec un passé. Dans la plupart des cas, elles se radicalisent bien avant d'entrer en prison. Nous devons donc disposer de toutes les informations utiles à un repérage rapide, et ne pas nous en remettre seulement au travail de nos agents et du renseignement pénitentiaire.