La proposition de loi rédigée par notre collègue Philippe Latombe porte sur une question délicate et intervient dans un contexte social en profonde mutation. Les séparations parentales concernent en effet de plus en plus de familles. Ainsi, un couple sur trois se sépare, avec, dans la moitié des cas, un enfant à charge.
Par ailleurs, l'évolution des modes de vie familiaux témoigne de la volonté croissante de chacun des parents de s'investir dans la relation avec son enfant.
La proposition de loi pose le principe de la double résidence de l'enfant en cas de séparation des parents, sans toutefois impliquer une répartition égale des temps de présence chez chacun d'entre eux. Résidence partagée ne veut pas dire résidence par moitié, ni résidence alternée, et encore moins garde alternée, comme le titre du texte pourrait malheureusement le laisser supposer.
La proposition de loi que nous vous proposons poursuit un triple objectif.
Le premier, qu'il est important de rappeler, est la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous considérons qu'il dispose d'un droit à maintenir le lien avec ses deux parents. Ce droit de l'enfant à connaître et bénéficier de ses deux parents a d'ailleurs été rappelé au cours des auditions par de nombreuses personnes, dont des pédopsychiatres, psychologues et professeurs de sciences sociales. Tous ont souligné que la présence fréquente des deux parents au quotidien préservait l'équilibre, l'épanouissement et le développement de l'enfant.
En posant le principe de la double résidence, nous ne faisons qu'appliquer la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée en 1989 et ratifiée par la France en 1990, dont les articles 5, 9 et 18 reconnaissent le droit des enfants à être élevés par leurs parents de manière à favoriser leur développement.
Le deuxième objectif consiste à traduire de façon symbolique le principe de l'égalité des parents, dont aucun des deux ne doit se considérer comme supérieur à l'autre, ni chercher à exclure l'autre. Cela s'inscrit précisément dans la continuité de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui consacre le principe de coparentalité, autrement dit de coresponsabilité des parents vis-à-vis de leur enfant.
La double résidence permet en effet aux parents de prendre conscience qu'ils ont tous deux la même responsabilité et les mêmes devoirs vis-à-vis de leur enfant, confirmant l'égalité de chacun des parents quant à leurs droits, mais surtout leurs devoirs. Le couple conjugal disparaît certes, mais le couple parental demeure et doit être conforté. Cela est pleinement dans l'esprit de l'article 373-2, alinéa 2 du code civil, selon lequel chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent.
Le troisième objectif est de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents. Aujourd'hui, les résidences alternées concernent 17 % des décisions de justice, et la résidence chez le père, 12 %. On observe ainsi une augmentation lente, mais constante, des résidences alternées, dont la charge quotidienne revient encore largement aux femmes. La pression sociale fait peser sur la mère des sujétions importantes. Au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes, le texte pose le principe de double résidence. Cela permettra de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents.
Après avoir affirmé que la résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun de ses parents, la proposition de loi prévoit des exceptions à ce principe. Si la résidence de l'enfant ne peut être fixée, pour une raison sérieuse, au domicile de chacun de ses parents, elle est fixée au domicile de l'autre. Dans ce cas, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités de droit de visite.
C'est le sens de ce texte, toutefois il nous est apparu qu'il fallait l'améliorer en proposant des amendements portant sur son titre certes, mais aussi sur son contenu.
Je souhaiterais pour terminer remercier Mme Caroline Abadie qui m'a beaucoup accompagné dans les auditions ainsi que dans l'amélioration de ce texte ; son rôle a été très important, et nous examinerons les amendements qu'elle a bien voulu présenter au nom du groupe La République en Marche.
Voilà, madame la présidente, la présentation rapide de cette proposition de loi dont on comprend qu'elle est délicate et ne fait pas l'unanimité. Certains estimeront que nous n'allons pas assez loin, d'autres que nous touchons à quelque chose d'essentiel ; j'espère toutefois que nous l'examinerons dans un esprit apaisé.