Nous considérons que cette proposition de loi est inutile, mal préparée, voire dangereuse.
Inutile car le dispositif actuel, bien que perfectible, fonctionne bien dans le sens où la priorité est donnée à l'accord entre les parents dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. La loi actuellement en vigueur prévoit en effet que la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. En cas de désaccord avec les parents, les juges ont la possibilité de décider de la résidence alternée ou peuvent fixer celle-ci au domicile de l'un d'eux s'ils estiment que l'intérêt de l'enfant le justifie.
Rappelons les analyses du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes qui a publié un avis à propos de cette proposition de loi. « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd'hui chez les mères, c'est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. Le ministère de la justice estime que si 18,8 % des pères font la demande de résidence alternée, ils l'obtiennent à 17,3 %. Ce serait donc pour ce 1,5 % que l'on prendrait le risque qu'une mère qui refuse la résidence alternée puisse voir la garde de ses enfants fixée au domicile du père, en guise de sanction judiciaire. »
Ce qui nous alarme également, c'est le coeur même du dispositif qui aboutirait à un bouleversement économique pour les familles dont les parents sont séparés. Cela irait dans le sens d'une paupérisation des femmes à la tête de familles monoparentales qui sont déjà, pour 50 % d'entre elles, sous le revenu médian. Il prévoit en effet un chamboulement des dispositifs fiscaux et sociaux. Citons la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée dans son rapport du 7 mai 2014 à propos d'une réforme similaire – plusieurs propositions de ce type ont en effet été soumises au Parlement au cours des dernières années, à chaque fois motivées par les mêmes groupes de pression : « Cette réforme fait disparaître la référence à une dénomination particulière, sans influer sur la répartition effective des temps passés au domicile de chacun des parents. La résidence au domicile de chacun des parents n'implique en effet pas une répartition égale des temps de présence chez chacun d'entre eux. »
En outre, ce principe implique l'inscription de l'enfant dans les déclarations fiscales des deux parents et un partage égal des allocations familiales.
La seule urgence, celle relevée par de nombreuses associations, est de garantir le versement des pensions alimentaires et un durcissement des sanctions en cas de non-versement de ces dernières. C'est là que se situe le véritable dysfonctionnement de la loi actuellement en vigueur.
L'actualité nous alerte aujourd'hui tristement sur la nécessité de donner un signal fort pour montrer toute l'importance que l'État accorde à la lutte contre les violences faites aux femmes et les discriminations qu'elles subissent. Il est important que les pouvoirs publics et les parlementaires que nous sommes n'envoient pas des signaux à l'encontre des droits des femmes. J'imagine que vous avez toutes et tous reçu les mises en garde des associations. J'espère que nous en tiendrons compte dans nos débats.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cette proposition de loi.