Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

À l'écoute de ces interventions, on réalise que le problème n'est pas simple du tout. On comprend la souffrance des pères. On s'inquiète pour l'enfant dont intérêt doit primer sur tout le reste. Mais ce n'est pas rien de modifier le code civil. Or cette proposition de loi, déposée à l'occasion d'une niche parlementaire, sera examinée en séance à une heure tardive. Il n'y aura pas grand monde pour débattre de ce qui – je vous l'accorde – est une question majeure.

Nous avions tenté d'y travailler dans le cadre de la loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes mais nous avions considéré que la société n'était pas encore prête pour ce genre de sujet. Comme vous le savez, le droit vient souvent entériner des mesures déjà acceptées par la société.

Je suis gênée par votre méthode, par l'absence d'étude d'impact. Je peux donner des chiffres rigoureusement contraires aux vôtres, et citer des conférences de consensus dans lesquelles des pédopsychiatres affirment que la résidence alternée n'est pas bonne pour les enfants de moins de six ans. Je ne suis pas une experte. Je suis un législateur en position de modifier le code civil sans vraiment savoir ce que je fais. Je m'y refuse d'autant plus qu'il est question de changer notre méthode de travail.

Le divorce par consentement mutuel, très compliqué à adopter, ne s'est pas encore développé. On me dit que les avocats ne se sont pas suffisamment approprié ce texte qui invite les parents à se mettre d'accord sans recourir à un juge. Voyons ce que donne l'application de cette procédure. Voyons si elle incite les parents à opter pour la résidence partagée, sachant que, dans ce cas, les conditions matérielles sont déterminantes. Quand ils ont à se prononcer, les juges peuvent refuser une résidence alternée parce que les conditions matérielles ne s'y prêtent pas, ou, bien évidemment, pour des raisons de violence.

Avec ce texte, nous allons agiter le chiffon rouge devant des mamans qui sont extrêmement inquiètes, sans nous assurer que l'intérêt supérieur de l'enfant est bien préservé.

Contrairement à ce que vous prétendez, je pense que ces dispositions chambouleraient complètement le travail du juge : il n'y a pas plus grand revirement de jurisprudence que d'inverser la charge de la preuve. Vous demandez au juge d'exclure un parent alors que, quand il décide de la résidence partagée, il inclut, il se place dans une démarche positive. Pour avoir été magistrate, j'ai beaucoup plus de mal à exclure qu'à inclure. La personne exclue du droit commun – que serait la résidence partagée – peut sentir peser sur elle un préjudice moral.

Je ne doute pas que vous ayez bien travaillé ce texte mais, à ce stade, je suis extrêmement réservée quant à son adoption, pour ne pas dire que j'y suis opposée.

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